20000 lieues sous les mers [Miranda]

Encore une journée à ne rien faire de spécial, c'était décourageant. On était le week end et les gens normaux sortaient avec leurs amis le week end, n'est-ce pas? Mais encore fallait-il en avoir et avoir envie de s'amuser. Et 'n'ayant ni l'un, ni l'autre, lucas avait quand même décidé de bouger de chez lui et de prendre l'air, voir de faire quelque chose de pas trop inutile. Rester chez lui à broyer du noir ne faisait pas avancer les choses et n'arrangeait rien. Il n'avait rien envie de faire, mais avait tout de même trouvé la volonté nécessaire pour s'habiller et bouger sa carcasse loin de son appartement. Vêtu d'un jean bleu, d'un sweat blanc, les cheveux en bataille, il avait refermé la porte de son appart derrière lui et descendu les escaliers.

Puis, il avait déambulé dans les rus, cherchant quoi faire par cette journée maussade, mais pas pluvieuse. Pas encore. Il avait eu une vague pensée pour son Gardien qui semblait avoir démissioné. Il eut un petit rictus en coin : il avait réussit à épuiser un envoyé de Dieu. Comme quoi, il ne pouvait pas être sauvé et tôt ou tard, sa dépression reprendrait le dessus et ses idées morbides reviendraient, plus fortes que jamais. Et cette fois, peut-être ne se louperait-il pas. A quoi bon vivre? Il n'avait aucun but, aucune attache, il évoluait sur cette terre comme un zombie, un pantin, sans y prendre goût. Il ne manquerait à personne en plus.

C'est là qu'un coup de tonerre déchira le ciel. il leva les yeux et fronça les sourcils. Il n'avait pas vu que le ciel était si noir. Il allait sans doute pleu... trop tard. Une grosse goutte vint s'écraser sur sa joue, le faisant frissoner. Bientôt, elle fut suivie de quelqus autres, puis d'un myriade. Génial... Vraiment parfait. Il fut trempé en un rien de temps. Il chercha un abris du regard et avisa l'Athalantide. Il se mit à courir, détestant sentir la pluie s'infiltrer dans ses vêtements et dans son cou et entra jusque dans l'aquarium. Bon eh bien, ce serait après-midi culture et découverte finalement.

Il pénétra dans les pièces sombres, mettant ainsi en valeur les aquariums éclairés et leurs sublimes poissons. Il les regarda distraitement, avant de s'intéresser aux poissons tropicaux aux couleurs vives. Il passa aux poissons d'eau douce, ternes, ennuyeux et murmura :

- "Tout le monde ne nait pas avec la même chance. Même chez les poissons."

Il n'y avait pas grand monde autour de lui. Tant mieux. Ca lui convenait parfaitement. Il se perdit dans la contemplation d'un certain poisson qui nageait tranquillement, indifférent au monde qui l'entourait. Il se retrouvait dans ce poisson placide qui nageait en rond dans son aquarium trop petit...

Miranda avait mit un certain temps à se décider sur la route à suivre, marchant au hasard des rues en observant les humains qui passaient sans la voir. C'était l'orage qui l'avait poussée à chercher un abri, plus par réflexe que par nécessité. Elle avait toujours aimé ce temps, lorsque foudre, tonnerres et pluie se mêlaient. De son vivant elle parvenait toujours à s'échapper le temps de l'orage, se plaçant dans le lieu le plus élevé qu'elle parvenait à atteindre.
Et là, elle contrôlait l'orage.
Pas véritablement, certes, mais elle faisait tout comme. Cela lui permettait de vider un excédant d'énergie, de rancœur, de haine parfois, de désespoir... Elle revenait de ce genre d'expérience toujours plus calme, sereine, prête à endurer sa propre réalité...
Mais aujourd'hui elle ne ressentait pas le besoin de commander les éclairs, elle n'avait plus grand chose à libérer d'ailleurs. La jeune femme profita juste du spectacle quelques instants, se laissant mouiller par la pluie. Puis elle rentra au hasard, suivant des groupes de passants hydrophobes. Ce ne fut qu'une fois à l'intérieur de l'aquarium qu'elle se permit d'égoutter légèrement ses cheveux, posant un regard curieux sur ce qui l'entourait.
L'Athalantide devait être bienheureux de ce coup de pouce météorologique, les salles étaient pleines de chalands forcés d'observer les animaux d'un œil rond. L'endroit le plus frappant restait l'aquarium où l'on pouvait presque se demander si, finalement, ce n'était pas les hommes qui se retrouvaient prisonniers d'un bassin et non les poissons. L'effet était renforcé par certaines personnes qui regardaient les animaux marins d'un œil rond, dénué d'expression, l'air désespérément blasé.
Mais ce qui marquait le plus la jeune femme était les relents de malheur qui se dégageaient des lieux. Tous ces humains avaient des peines plus ou moins lourdes à porter. Au point qu'elle en fut déboussolée.

*C'est étonnant, il devrait au moins y avoir un gardien par ici...*

Elle suivit le mouvement de la foule jusqu'à atteindre une zone un peu plus tranquille où elle put à nouveau respirer à son aise. Un rapide coup d'oeil l'informa qu'elle était dans la section des poissons d'eau douce. Plus communs et moins bariolés, ils attiraient nettement moins de monde que leurs cousins marins et exotiques, ce qui donnait l'occasion de déambuler plus librement.
Miranda finit par s'arrêter au niveau d'une vitre, laissant son regard se perdre au hasard des mouvements qu'elle percevait dans l'eau.

- "Tout le monde ne nait pas avec la même chance. Même chez les poissons."

-Peut-être est-ce ça, leur chance...

La jeune femme avait répondu à voix haute, par pur réflexe. Elle tourna la tête, découvrant le propriétaire de la voix masculine perdu en pleine contemplation d'un poisson. Il possédait le charme des gens que l'on a envie de protéger et d'aider, un petit coté égaré dans un monde qui n'aurait pas du être le sien. Miranda se retourna complètement, scrutant les quelques rares amateurs de poissons "classiques". Pas de paire d'ailes, pas de geste de salutation...
Bref personne ne la voyait.
Donc il n'y avait pas de gardiens.
Pourtant, elle le sentait, ce jeune homme était, ou était destiné, à être l'un de leurs mortels...

-Et j'imagine qu'il ne doit même pas me voir...

Posant son front sur le vitre, juste à coté de lui, elle poussa un soupir d'impuissance en fermant les yeux, ce qui créa un halo de buée...

Dehors, Lucas entendaity le tonnerre gronder et imaginait les éclairs zébrer le ciel. Il aimait bien l'orage, il aimait bien voir la nture se déchainer et rappeler ainsi sa toute puissance. Cela le reposait étrangement. Il pouvait rester des heures à regarder la danse des cieux en colère, apaisé par ce juste courroux. Mais il n'aimait pas être en dessous, vulnérable à la pluie insidieuse. Dans cet aquarium, il ne pouvait malheureusement pas voir la fureur de la nature et ne pouvait que laisser son esprit vagabonder. Les lumières tamisées faiblirent un instant, avant de retrouver leur éclat naturel et un terrible grondement résonna à nouveau. Reposant. Parce que l'orage exorcisait sa propre colère devant ce monde inadapté, parce qu'il se permettait de laisser sa fureur s'exprimer en même temps, en juste échos de ses tourments.

C'est alors qu'il sentit... quelque chose. Une impression bizarre, comme de ne plus être tout à fait seul. C'était difficile à décrire et totalement irrationnel. Il se permit un petit sourire ironique : ah parce que savoir que des espèces d'anges gardiens sont là pour mous protéger est rationnel peut-être? Il n'était plus à ce genre d'inpeties près. En tous les cas, il sentit un frisson courir le long de son échine, alors qu'il se redressait brusquement. Cette impression éervante et persistante d'être épié. Très désagréable. Il regard autour de lui : personne pour lui procurer ce sentiment de malaise. Il devait se tromper, son esprit devait lui jouer des tours, ce ne serait pas la première fois.

Il regarda à nouveau les poissons et sursauta en voyant un halo de buée apparaître. Mais qu'est-ce que c'était que ce merdier? Il n'y avait pas 36 solutions pour que de la buée apparaissent comme ça : il fallait une source de chaleur, un souffle par exemple. Or, ce n'était pas lui qui avait fait cela. Et si c'était une fuite au niveau de l'aquarium, la condensation se ferait uniformément à son bord inférieur, non? Il jeta un regard suspicieux autour de lui. Il trouvait bizarre de ne plus voir d'emplumés ces derniers temps. Il lui avait semblé qu'ils pullullaient et depuis quelques temps, plus rien. Et il n'allait pas croire que les gens allaient tous bien d'un coup pour ne plus avoir besoin de Gardiens. Ils n'étaient pas prêt d'être au chômage. Il murmura alors :

- "Bon, soit je deviens dingue, soit il y a un petit malin qui joue les hommes invisibles... Et j'aimerais bien que ce soit le second cas le vrai, parce que les hôpitaux psy, j'en ai ma claque."

Il avait essayé de ne pas parler trop fort, histoire de ne pas attirer l'attention sur lui. Discuter tout seul risquait de paraître suspect, non? Et la dernière des choses qu'il voulait, c'était qu'on le remarque.

- "Y'a un Gardien dans le coin?"

Il ne connaissait que ça comme phénomène "paranormal". Et il doutait que l'aquarium soit hanté...

Miranda sentit presque son coeur manquer un battement, ayant encore quelques réflexes d'être vivant... Le jeune homme qu'elle observait semblait troublé et cherchait quelque chose du regard. Elle connaissait cette réaction pour l'avoir déjà vu il y avait peu de temps de cela. Alice... Elle aussi avait réagi ainsi à sa présence, sentant qu'elle était là sans pour autant la voir. Peut-être que lui aussi était un mortel après tout?

- "Bon, soit je deviens dingue, soit il y a un petit malin qui joue les hommes invisibles... Et j'aimerais bien que ce soit le second cas le vrai, parce que les hôpitaux psy, j'en ai ma claque."

La jeune femme aurait voulu pouvoir le corriger mais elle se retint, sachant pertinemment qu'il n'entendrait pas un traître mot. Rencontrer un mortel et posséder aussi peu de moyens de communications était plus que frustrant. Comment parviendrait-elle à lui faire comprendre sans qu'il ne jette dans les bras du premier psychiatre venu en lui demandant de l'aide, si ce n'était pas un quelconque exerciseur ou consort.

- "Y'a un Gardien dans le coin?"

Ses yeux s'agrandirent de surprise. Il savait...
Il connaissait l'existence des gardiens! Quel merveilleux coup de chance pour elle! Au moins n'aurait-elle pas à expliquer ce qu'elle était, sachant qu'elle était elle-même encore un peu perdue. Ne restait plus qu'à parvenir à lui parler, d'une façon ou d'une autre. Il devait bien y avoir quelque chose qui avait trahit sa présence, outre la possible "aura" qu'elle devait dégager pour lui...
Parcourant la salle des yeux, elle finit par voir l'agonie de la buée qu'elle avait produite. Elle attendit que son regard se fixe sur une zone non loin de lui pour embuer à nouveau la vitre, y traçant quelques mots de son doigt fin.

"Miranda, enchantée"

Sur le coup elle n'avait pas trop su quoi dire de plus. Outre le fait que la buée limitait grandement les grands discours, quelques personnes passaient tout de même dans les environs. Mieux valait éviter de trop attirer leur attention...
Restait à savoir comment lui réagirait. Elle ne parvenait pas à savoir si il était au courant des petits problèmes que les mortels et les gardiens avaient en ce moment. de plus, s'il connaissait les gardiens, soit il était déjà le mortel de quelqu'un, soit son gardien avait réussi sa mission... Dans tous les cas elle se sentait moins seule sur le coup.

-Il n'y a plus qu'à espérer qu'il soit enclin à la discussion...

Se rapprochant de lui afin qu'il n'ait pas à élever la voix, elle commença à se mordiller l'ongle du pouce droit, sale manie qu'elle n'avait prit que depuis sa mort. Le stress sûrement... Un nouveau tonnerre roula au dessus d'eux, plus long et plus sourd que les précédents, il donnait l'impression qu'un monstre gigantesque ronronnait près d'eux. Au loin le bruit de la pluie s'intensifiait, assurant encore l'emprise de l'orage. L'athalantide n'était pas près de désemplir à ce rythme là...

D'abord, ce fut le silence qui acceuillit sa question. Nerveux, il se passa une main dans les cheveux. Mais qu'est-ce qui se passait? Pourquoi est-ce que le Gardien ne répondait pas? Il ne s'était pas trompé quand même? Il n'avait pas inventé cette buée subite sur la vitre transparente de l'aquarium! Ca existait des gardiens farceurs qui s'amusaient à rendre encore plus cinglés les mortels déjà bien atteints? Si c'était le cas, bonjour l'angoisse! Avoir une sorte de fantôme qui vous suit et s'amuse à jouer les Poltergeists, la galère! Il n'avait vraiment pas besoin de ça! Mais avait-il rêvé? Peut-être que c'était lui qui se faisait des idées et qu'il était vraiment tout seul ici... Pourtant, il n'avait pratiquement rien fumé aujourd'hui... Il était en manque ou quoi?

Mais alors qu'il pensait sérieusement avoir rêvé, il vit de la buée se former à nouveau et des lettres s'y inscrire. Il écarquilla les yeux, surpris de cette façon de procéder. Ce n'était pas un Gardien... pourquoi n'apparaissait-il pas et ne lui parlait-il simplement pas? A part cette impression tenace qu'on le regardait, il n'avait rien vu, rien entendu : pas un bruissement, pas un soupir. Rien de rien... c'était vraiment trop bizarre. Et si c'était autre chose? Après tout, après l'existence de bonhommes ailés renvoyés par Dieu, il pouvait croire à n'importe quoi...

Il regarda les letres former deux mots. Miranda... Ah tiens, une Gardienne donc. Enfin, peut-être. Ca faisait bizarre de savoir qu'il y avait quelqu'un sans pouvoir le voir. Il regarda à côté de lui, là où elle devait se tenir pour pouvoir écrire sur la vitre. Déjà les mots s'estompaient. Il eut un petit sourire narquois :

- "C'est les laveurs de vitre qui vont être contents."

Il jeta un coup d'oeil autour de lui, avisant un gamin qui le regardait bizarrement. Mince, il l'avait vu parler tout seul. Il lui tira la langue et revint à la vitre, évitant maintenant de se tourner franchement vers l'endroit où devait se poster Miranda.

- "Moi, c'est Lucas. J'peux savoir pourquoi vous jouez les fantômes muets?"

Il se retint de dire : Vous faites si peur à voir que ça? mais se retint, c'était vraiment du dernier goût. Il eut un petit soupir et reprit d'un ton las :

- "J'croyais qu'il n'y avait plus de Gardiens en ville, ça fait un moment que j'en ai vu aucun. Sans parler du mien qui a purement et simplement disparu."

Une idée inquiétante lui traversa l'esprit : et si elle était là pour lui? Oh non, pitié pas ça, il était très bien tout seul, à gérer sa vie comme il le voulait sans avoir quelqu'un derrière lui pour lui dire quoi faire et le remettre dans le droit chemin. Il ne posa pas la question, attendant de voir ce que la gardienne allait répondre. Si elle passait par la buée sur la vitre, ils n'étaient pas arrivés...

Il haussa un sourcil en voyant de nouveaux mots remplacer les anciens. problème de communication? Il eut un petit rire sarcastique en lisant cela et répliqua à voix basse :

- "Oui, merci, ça, je l'avais remarqué."

Cependant, il était un peu plus avancé quand même. Apparemment, cela ne venait pas de lui ou d'elle, mais était applicable pour tous les autres. Vraiment étrange... Comment cela pouvait-il s'expliquer? Et surtout, c'était d'un pratique... Comment les Gardiens pouvaient-ils faire correctement leur boulot s'ils ne pouvaient pas se fire voir et entendre? Et si Dieu avait décidé de les mettre à l'épreuve et de voir s'ils avaient tous le droit de prétendre à cette seconde vie? C'était un peu vicieux, mais Lucas ne se faisait plus d'illusions au sujet du Seigneur. Déclencher des inondations et se contenter de prévenir une famille pour qu'ils fassent une arche, afin d'éradiquer les hommes défectueux, voilà qui était bien radical et pas très charitable. Tout ça pour en arriver au même point après...

Elle lui demanda alors du stylo et du papier. Il fronça les sourcils et secoua la tête. Il n'en avait pas en sa possession, il n'était pas une femme qui se promenait avec sa maison dans son sac à main! Il avait juste son portefeuille et ses clés dans les poches de son jean, point barre. Cependant, il se mit à réflechir pour trouver un moyen moins fastidieux de communiquer avec elle. Il était curieux de voir ce qu'elle pourrait lui apprendre et puis, il n'était pas contre un peu de conversation.

- "Ah attends, j'ai une idée. Suis-moi."

Qui disait lieu rempli de touristes, disait magasin. Et dans un magasin, ils vendaient sûrement des crayons et des bloc-notes. Il se dirigea vers la boutique et chercha de quoi écrire, tout en faisant une petite grimace en voyant le stylo avec un dauphin dessus ou le bloc-notes avec des poissons-clowns.

- "Qu'est-ce qui faut pas faire..."

Il prit les moins chers et les moins remarquables et se dirigea vers la caisse. C'est que c'était cher ce genre de petites conneries! mais peu importe, il avit ce qu'il fallait. Il chercha un endroit plus tranquille et désert et trouva son bonheur derrière un aquarium. il s'assit contre le support noir, dissimulé ainsi aux regard et tendit ses achats devant lui.

- "Bon, j'espère qu'au vu de ce que ça coûte, tu as des choses intéressantes à raconter Miranda."

Il manquerait plus qu'elle soit partie, tiens! Il aurait l'air fin...

Miranda ne se fit pas prier pour lui emboîter le pas. Au moins était-il plein de ressources. Se frayer un passage parmi les badauds ne fut pas chose aisée pour elle mais elle parvint à rester suffisamment proche de lui. Elle ne put s'empêcher de faire une légère moue dubitative en découvrant le magasin. Certes vendre des peluches et autres produits dérivés de nos amis les animaux permettait au zoo d'arrondir ses fins de moi mais les prix qu'elle voyait étaient tout bonnement exorbitants. Combien de parents pouvaient se permettre de faire vraiment plaisir à leurs enfants en leur achetant une babiole sans exploser leur budget... Ca...

Dans tous les cas Lucas finit par trouver de quoi écrire. Elle lui fut grée d'avoir tapé dans la sobriété, ne se sentant pas l'âme d'un poltergheist utilisateur de stylos aux couleurs psychédéliques et aux "pouic puic" parfois incessants. La jeune femme se laissa guider, sachant qu'il devait chercher un endroit à l'abri des regards indiscrets. Lorsqu'il fut installé elle se permit tout de même de jeter un dernier regard inquisiteur autour d'eux afin de repérer si personne ne risquait de faire brusquement son apparition. Mieux valait prévenir que guérir.
Enfin, elle s'agenouilla face au bloc-note, considérant le crayon. Maintenant qu'elle avait tous les outils en main, elle ne savait plus trop quoi dire. Le syndrome de la page blanche valait bien la loi de Murphy...

*Du calme, il va pas te manger, il peut pas te voir*

Elle finit par s'emparer du stylo avec une légère appréhension au début, craignant de ne pas pouvoir le manipuler. A sa grande satisfaction ce ne fut pas le cas, lui donnant ainsi la possibilité d'écrire à sa guise.

"Echantée Lucas et désolée de la gêne occasionnée, personne ne semble savoir pourquoi vous ne pouvez plus ni nous entendre, ni nous sentir, ni nous voir."

Son écriture était fine et appliquée même si elle semblait apparaître assez rapidement. On sentait la femme habituée à tenir une correspondance devant paraître harmonieuse...

"C'est un bon moyen pour commencer dynamiquement sa seconde chance, ne trouves-tu pas?
J'ai cru comprendre que tu avais déjà un gardien... En tous cas, je n'ai vu personne près de toi..."

Elle regarda ses derniers mots en grimaçant. Difficile de dire à un mortel "oui, bon, tu vois... Même si en ce moment tu peux plus nous voir, je te rassure, ton gardien t'a bel et bien laissé tombé parce que je le vois pas en ce moment...". Miranda lui laissa le temps de concocter une réponse, se relevant pour vérifier qu'il n'y avait toujours personne.

Malgré qu'il s'y soit attendu, le jeune homme eut une expression de franche surprise en voyant le stylo s'envoler dans les airs. Là, ça rendait Miranda un peu plus concrète et surtout, ça avait un petit quelque chose de bien flippant. C'était pas tous les jours qu'on voyait des stylos voler tout seul. Mais au moins, il savait à peu près où était la gardienne, ce qui était un détail appréciable. C'était frustrant de parler dans le vide, même en sachant qu'on vous écoutait et de tourner la tête dans une direction alors qu'elle était peut-être de l'autre côté.

Pourtant quand le stylo se posa sur le papier et que l'encre bleue apparut sur le blanc, il se pencha en avant, presqu'avide de savoir ce qu'elle avait à lui dire. Elle ne lui expliqua malheureusement pas grand chose. Elle ignorait pourquoi les chses étaient ainsi. Cela devait être très énervant pour elle aussi au demeurant. pourtant, il eut un petit sourire et secoua doucement la tête :

- "On ne peut plus ni vous voir, ni vous entendre, mais on vous sent quand même. Enfin, moi je t'ai senti. C'était assez bizarre comme sensation. J'avais plus l'impression d'être épié, de ne pas être tout à fait seul. Mais bon, je chipote. Continue."

Il regardait les arabesques se former rapidement. Une belle écriture, écrite d'une main nerveuse. Elle posa alors une question, avant de parler d'une évidence. Il ne releva pas tout de suite, cherchant quoi répondre. Elle ne voyait pas Marcus. Et pour cause, cela faisait des semaines, voire des mois qu'il n'avait plus de nouvelles...

- "Ca fait longtemps que ça dure? Je veux dire que vous puissiez plus vous faire voir et entendre de nous?"

Il ne répondait pas à la question et il en avait conscience. il passa une main nerveuse dans ses cheveux et reprit à mi-voix :

- "Je crois que mon Gardien a démissioné. Cela fait des semaines que je ne l'ai pas vu."

Puis, il ajouta brusquement :

- "Et tant mieux, j'avais pas besoin d'un bonhomme tout le temps collé à mes basques."

En fait, derrière cette phrase hargneuse, se cachait un mélange de colère et de tristesse. Il avait été à nouveau abandonné et cela lui avait fait plus de mal qu'il ne voulait bien l'admettre. Même si la présence de Marcus lui avait cassé les pieds, il y avait eu une personne pour se soucier de son sort. Mais apparemment, il n'en valait pas le coup puisqu'il était partit. il chassa ses pensées dépressives et se focalisé sur un détail qu'elle avait noté :

- "Débuter une seconde chance? Tu viens juste d'entrer dans le métier? Si c'est le cas, cette embûche supplémentaire a de quoi te décourager..."

Personne... Elle se permit de se réinstaller plus confortablement face au bloc-note, prenant volontairement le stylo sans forcément écrire immédiatement. Elle avait noté le regard un peu moins perdu de Lucas lorsqu'elle s'en était saisi la première fois. S'il répondait par la parole il devait lui être très désagréable de ne pas pouvoir la localiser correctement...

Elle réfléchit quelques instants, regardant Lucas tout en faisant tourner le stylo entre ses doigts... Il se posait les mêmes questions qu'elle et Miranda regrettait de ne pas pouvoir en dire plus. Oui elle était toute jeune dans cette nouvelle existence, oui ça commençait difficilement, mais après tout, n'avait-elle pas eu un peu tout ce qu'elle voulait de son vivant? Du moins matériellement?

Elle se pencha à nouveau sur le bloc-note, sentant le regard du jeune homme suivre le mouvement du stylo... Il n'eut aucun mal à sentir l'hésitation qu'elle avait à tracer les premiers mots.

"Mon mari est effectivement veuf depuis peu de temps... C'est mieux ainsi..."

La jeune femme regarda sa phrase. On pouvait en déduire beaucoup de choses comme quasiment rien. Elle réalisa avec amertume qu'elle avait encore du mal à en parler et surtout à évoquer le terme générique pour ce qui lui était arrivé. Homicide sans préméditation, ou plus probablement homicide involontaire d'après l'avocat de son mari... Elle poussa un petit soupir qui fit légèrement trembler la feuille avant de continuer.

"Je ne vais pas me laisser faire, j'ai déjà laissé passer trop de choses de mon vivant...
Dans tous les cas je n'ai jamais été "vue" par un mortel..."

Miranda lissa la page devant elle par pur réflexe. D'avoir posé cette sensation par écrit la rendait étrangement concrète à ses yeux, comme si, pour une fois, elle était parvenue à mettre ses idées au clair. C'était assez déstabilisant de réaliser que l'on savait ce que l'on voulait faire, ou ne pas faire, lorsqu'on avait prit la fâcheuse habitude de se laisser dominer en tout... Et cet état d'esprit c'était un peu grâce à Lucas...

"Excuse moi de t'avoir ainsi rappelé ton gardien. Je ne voulais pas te blesser. Si tu ne voulais pas d'un bonhomme, peut-être qu'une b"

Elle ne réalisa ce qu'elle était en train d'écrire que lorsqu'elle commença à tracer la première lettre de bonne-femme. La situation lui paraissait claire comme de l'eau de roche, aucuns doutes à l'horizon. Mais sur le coup... L'écrire... Etrangement cela lui avait paru légèrement déplacé. Un peu comme ces personnes qui ne passaient que par les lettres ou, pire, les SMS...

-Finalement je crois que je regrette ma voix...

Laissant le mot inachevé elle reprit son stylo, le faisant doucement rouler. Elle n'osait ni aller plus loin, ni raturer la fin de la phrase. Aussi préféra-t-elle voir la réaction de Lucas.

Malgré lui, Lucas était fasciné par ce stylo qui tournait tout seul dans les airs et son regard bleu semblait comme hypnotisé par les mouvements imprimés par Miranda. Tiens, ça ferait un super tout de magie ça... Il gloussa, en imaginant la scène et en constatant combien il pouvait avoir des idées stupides des fois. Miranda allait sûrement se demander ce qui provoquait chez lui ce rire, mais tant pis. Il pourrait toujours le lui expliquer si elle le lui demandait, mais au vu du boulot que c'était, il en doutait. Elle n'avait pas que ça à faire d'écrire tout ce qui lui passait par la tête.

Le stylo cessa de tournoyer dans l'air et retourna vers le papier. Le regard du jeune homme suivit le mouvement et se posa sur le bloc-notes. Les lettres se tracèrent de façon moins rapides. Décelait-il une... hésitation? Il écarquilla les yeux de surprise en lisant ce qu'elle avait écrit. Son mari? Elle avait un mari? Mais elle avait quel âge? Et pourquoi était-ce mieux ainsi? Ils ne s'entendaient peut-être pas très bien... Il lui jeta un regard incrédule (enfin au vide au dessus du stylo).

- "Ton mari? Mais t'as quel âge?"

Réaction naïve d'un jeune homme pas encore tout à fait adulte qui s'imaginait que pour être marié, il fallait déjà être un vieux, du style 30 ans quoi. Miranda serait-elle une grand-mère? Non, c'était peu probable. pour ce qu'il en savait, les Gardiens étaient tous décédés de mort violente et injuste. Elle avait peut-être l'âge d'être sa mère alors? Ca faisait bizarre cette idée. Il l'avait pensé jeune, sensiblement du même âge que lui, aller savoir pourquoi.

- "Pourquoi c'est mieux ainsi? Tu veux dire qu'il ne te regrettera pas?"

Ca en faisait des questions ça dis donc. En temps normal, s'il avait pu la voir, il n'aurait pas été aussi curieux. Mais là, c'était une rencontre qui prenait des allures de mystère et ça le sortait de son quotidien trop morne. Libre à elle de répondre ou pas à ses questions. Il ne lui vint même pas à l'esprit que ça pouvait être douloureux pour elle...

La feuille trembla et l'écriture reprit. Décidément, elle avait le chic pour lui faire se poser des tonnes de questions. Elle avait laissé passer trop de choses de son vivant... Une fille trop sage qui n'avait pas prit la peine de bien vivre et s'était toujours montrée discrète? Lui non plus ne prenait pas la peine de vivre, cela dit. Elle n'avait jamais été "vue" par un mortel. Ca devait être bizarre pour elle. Au moins les Gardiens étaient vus par les mortels et se sentaient ainsi moins décalés. Enfin, il le supposait. Mais là, elle ne valait guère mieux qu'un fantôme évanescent.

Il vit la page bouger, comme si elle la lissait. Elle réflechissait? Etait troublée? Elle s'excusa d'avoir parler de marcus. Il se contenta d'un haussement d'épaule. Ca s'était vu tant que ça sa blessure d'avoir été abandonné à nouveau? Renfrogné, il faillit répondre, quand il vit le stylo s'arrêter subitement. Il regarda sur la feuille. Elle n'avait pas achevé sa phrase. S'il n'avait pas voulu d'un bonhomme peut-être qu'une b... bonne femme? Le stylo virevolta dans les airs, alors que le jeune homme levait un regard stupéfait sur elle. Puis, son regard s'assombrit et il secoua violemment la tête :

- "Je n'ai pas besoin de Gardien. Marcus est partit, on arrête là les frais. Homme ou femme, ça m'est égal. Désolé pour toi, mais va voir ailleurs, Dieu s'est planté. Ce serait pas la première fois!"

ll détourna le regard. Ben voilà qu'on lui recollait une nouvelle emplumée aux basques! Qu'il ne pouvait même pas voir en plus! Non, non, non et non! il ne voulait pas d'aide! Il ne voulait pas croire encore qu'on s'intéressait à lui pour le laisser tomber ensuite sans remords. Ca faisait trop mal de voir l'espoir se rallumer...

Il se pencha à nouveau pour observer le stylo tracer ses arabesques d'encre. 25 ans... Elle était morte à 25 ans. Elle n'était pas vieille du tout comme il l'avait craint. Bon, elle était plus âgée que lui, c'était un fait, mais ça restait raisonnable. il resta un moment perplexe devant la suite. 6 ans de mariage. Elle avait été mariée à 19 ans? Il la regarda et ouvrit la bouche, sans qu'un mot n'en sorte. Il avait 19 ans et jamais l'idée de se marier ne lui avait traversé l'esprit! Bon, il n'avait pas de petite amie, ça n'aidait pas. Et puis, Miranda ne devait pas être dépressive elle.

- "Tu t'es mariée à 19 ans? Wow, tu devais être accroc..."

Comment aurait-il pu se douter que c'était un mariage arrangé? Dans son esprit, ce genre de choses ne se faisait plus depuis longtemps! Les femmes étaient libérées, libres de choisir qui elles voulaient. C'étaient les temps modernes! Cependant, il se demanda s'il n'avait pas fait une boulette en voyant la suite apparaître. pas de regrets ou alors pas pour elle, mais pour son ancienne vie. Il lança un regard d'incompréhension au vide devant lui. Comment ne pouvait-on pas regetter sa femme défunte, à moins de ne pas l'aimer? Et encore, vivre avec quelqu'un 6 ans, même sans l'aimer, ça créait des liens. A moins qu'il n'y ait eu que haine ou indifférence...

- "Soit tu devais être particulièrement pénible, soit c'était vraiment un salaud pour ne pas te regretter."

C'était dit avec brusquerie, mais Lucas ne s'encombrait plus de fioritures depuis longtemps. Et pus, il espérait qu'il la pousserait à en dire un peu plus sur elle comme ça. Ca l'intriguait. il trouvait ça un peu tragique et romanesque : une jeune fille épouse un homme à 19 ans et décède dans la fleur de l'âge, laissant un veuf loin d'être inconsolable.

- "Et toi, tu le regrettes?"

A nouveau une question spontanée. Si elle ne voulait pas répondre, elle n'avait qu'à le lui dire, en attendant il tentait le coup. Il regarda le calepin et remarqua ailleurs une goutte d'eau sur le sol. Il fronça les sourcils, se demandant d'où ça venait. L'aquarium qui fuit? Il regarda : non, apparemment pas. Il haussa les épaules et se concentra sur le carnet à nouveau. Il hésita et répondit lentement :

- "Je sais pas si c'est une bonne idée. Ca pourrait te faire plus de mal que l'incertitude."

Ils en étaient arrivés à l'objet de la visite de Miranda. Evidemment, elle n'était pas là par hasard, elle ne s'intéressait pas à lui grtuitement. C'était toujuors comme ça. Il eut un rictus amer, en même tempsqu'un regard désabusé qui se fit lointain. Il ne regarda pas tout de suite sa réponse, mais finit pourtant par le faire, à contrecoeur.

- "Tu avais envie de ne pas me laisser seul? Si je n'étais pas ton Mortel, te serais-tu interessée à moi et à mes états d'âme?"

Il y avait une fêlure dans son âme. Et son regard bleu en était un poignant reflet.

Lucas ne prononca pas un mot alors qu'il voyait le carnet bouger et se rapprocher de lui. Il pouvait imaginer Miranda qui s'installait à côté de lui, de façon un peu plus intime et moins formelle peut-être. Il eut envie de s'écarter, instinctivement, mais se retint. Allons, il n'allait pas faire son timoré! A nouveau, il y eut une expression de franche surprise dans ses yeux clairs alors qu'elle parlait de la fierté de ses parents d'avoir une fille docile. Il ne comprenait pas tout, cela devait sembler évident pour Miranda, mais pour qui ne connaissait pas son histoire, c'était plutôt nébuleux.

D'ailleurs, il fronça les sourcils alors qu'elle continuait en disant qu'il était médecin, que ce n'était pas un salaud au début, qu'il ne savait pas ce qu'il faisait. Le jeune homme dut mettre en marche les rouages de son esprits pour tenter de comprendre ce qu'elle était en train de lui dire. Cela pouvait très bien vouloir dire qu'il était violent avec sa femme, non? D'ailleurs, il remarqua que le stylo eut un petit tremblement alors qu'elle se remémorait ses mauvais souvenirs. Oui, c'était sans doute ça. Du moins, c'était la première chose qui lui venait à l'esprit.

Il hocha lentement la tête quand elle lui posa une question. Elle regrettait de ne pas avoir agi, de s'être montrée lâche. La blague! Comme si on pouvait se révolter toujours quand quelqu'un nous imposait sa volonté! Lucas ne savait que trop bien ce qu'était ce sentiment de honte tenace de ne pas avoir su agir alors qu'on en mourrait d'envie. Il l'avait vécu, bien que bien plus jeune. Trop jeune pour pouvoir réellement se révolter d'ailleurs, mais qu'importe.

- "Ce n'était pas ta faute. Ceux qui jugeront que tu t'es montrée lâche sont des imbéciles qui n'ont jamais eu à subir le joug de quiconque."

Il s'étonna lui-même de parler ainsi. Cela trahissait trop le fait qu'il savait de quoi il parlait et il détestait parler de son passé. Il n'en parait jamais, le gardant soigneusement enfermé à double tour dans sa tête. En prticulier son petit "secret" honteux qui avait fait de lui le jeune homme dépressif qu'il était, incapable de se construire un avenir, car détruit par son passé.

Le crayon se remit à bouger alors qu'elle semblait vouloir le rassurer. Elle assura qu'elle ne savait pas qu'il était destiné à être son mortel et que c'était avant tout lui et ce qu'il était qui l'avait attirée. Il avait envie d'y croire. Vraiment très envie. Mais avant qu'il puisse répondre quoique ce soit, il sentit une douce chaleur l'envelopper. Surpris, il se raidit. Mais ce qui le surprit encore plus, c'est de voir la jeune femme apparaître et de s'apperçevoir qu'elle l'enlaçait, comme pour le consoler. Elle s'écarta alors, de même que Lucas qui le fit plus brusquement, les yeux ronds.

- "Je ne comprends plus rien..."

Il se remit de sa surprise et observa finalement Miranda. Elle n'avait rien d'une vieille effectivement. Il se dégageait d'elle une impression de douceur et de fragilité étrange. Une peau pâle, un teint de porcelaine, des cheveux noirs, une silhouette fine, elle était plutôt jolie. Mais c'étaient surtout ses yeux qui lui conféraient tout son charme.

- "Tu es plus jolie que je ne l'imaginais."

Il sentit ses joues le chauffer devant ses paroles trop rapides et trop sincères et détourna le regard, géné.

Miranda ne réalisa pas immédiatement que Lucas pouvait la voir désormais, son attention toute tournée vers le carnet qu'elle cherchait désespérément... Ce fut sa voix qui lui fit réaliser.

- "Tu es plus jolie que je ne l'imaginais."

Non pas que le compliment ne l'aurait pas touchée en temps normal mais le sous-entendu à son apparence la figea quelques instants. Il devait forcément la voir désormais ! Elle chassa l'idée que leur tout premier contact visuel avait très certainement du avoir lieu alors qu'elle l'enlaçait, ce qui n'était peut-être pas très poli en soi... Elle lui sourit de manière franche, trop heureuse de ne plus avoir à jouer les femmes invisibles.

D'un autre coté elle espérait aussi que Lucas ne lisait pas trop les journaux, ou qu'on ait pas trop parlé d'elle... Bref, qu'elle espérait rester "Miranda la gardienne" et non un fait divers dont on se souvient...

-Tu dois m'entendre aussi, non?

Elle avait une belle voix, douce, chaude et musicale, même si on sentait qu'on ne lui avait pas vraiment permis d'en utiliser tous les aspects. Miranda avait presque chuchoté, oubliant qu'elle n'était tangible que pour un mortel...

Même si elle était heureuse de revirement de situation, cela la laissait perplexe. Hormis toucher Lucas, elle n'avait rien fait de spécial, ni rien ressentit. Or elle avait déjà vu Sébastien enlacer Alice, cela n'avait donc aucun rapport avec leur contact. La curiosité la rongeait mais elle estimait qu'il n'était peut-être pas le moment de creuser plus avant la question... Après tout, c'était bien la première fois qu'un mortel pouvait la voir, c'était tout un évènement ! Toutefois, elle le sentait bien aussi perdu qu'elle...

-Moi non plus je n'y comprends plus rien. En tous cas je suis presque certaine que ce changement d'état ne vient pas d'une de mes actions...

Étrangement, le fait qu'elle puisse être à nouveau vue gênait légèrement la jeune femme. Le dialogue qu'ils avaient établi était désormais différent. Entre écrire ce qu'elle souhaitait lui dire et parler à voix haute, en face de lui... Elle sentit le rouge lui monter brusquement aux joues à son tour, une énorme bouffée de timidité à laquelle elle n'était pas spécialement habituée.
La phrase qu'il lui avait dit peu avant lui revint en mémoire, essayant d'être sa planche de salut.

-Merci pour ce que tu as dit tout à l'heure...

Elle sentait qu'à travers ces mots, Lucas masquait une cicatrice de son passé. Mais elle n'était pas du genre à passer les gens à la questionnette, elle attendrait qu'il se livre de lui-même, si l'envie ou le besoin se faisaient sentir chez lui. C'était à lui de décider si elle parlait du compliment ou du fait que la lâcheté n'est pas un terme adéquat pour quelqu'un qui a été dominé par les autres toute sa vie... Pour elle les remerciements valaient pour les deux cas.

Elle allait parler à nouveau lorsqu'elle vit une ombre s'approcher pour bientôt prendre la forme de l'un des gardiens de l'aquarium. Il lança un regard dur à Lucas qui se trouvait toujours assis au sol...

-Je peux savoir ce que vous foutez ici? dit le gardien d'une voix aux antipodes de celle de Miranda, soit rauque et peu amène...

[Raa je suis désolée, pas le temps et pas l'inspi ]

Il remarqua l'expression interdite de Miranda à son compliment. Déjà, quelle idée de sortir un truc comme ça aussi spontanément? Mais bon, c'était sortit tout seul, il allait devoir faire avec. Elle ne semblait pas avoir prit conscience tout de suite qu'elle était à nouveau visible. Curieux d'ailleurs que cela se soit produit alors qu'elle l'avait prit dans ses bras. Il refoula sa légère honte à cette pensée et préféra se concentrer sur le grand sourire de Miranda. Evidemment, de la voir ainsi, elle lui paraissait moins abstraite et plus chaleureuse. Elle ne lui disait rien, Lucas ne se tenait pas vraiment au courant de l'actualité et il ne reconnut donc pas la femme assassinée par son mari ivre.

Quand elle parla, il eut un petit mouvement de surprise. Il la voyait, logique qu'elle l'entende aussi, non? Sa voix était agréable, et ce mode de communication plus pratique qu'un bloc notes. Il décida qu'il aimait bien son timbre mélodieux et doux, presque apaisant et hocha doucement la tête, amusé de l'entendre chuchoter.

- "C'est plutôt à moi de chuchoter Miranda, toi, tu ne risques pas grand chose à parler normalement."

Inconsciemment, il détourna le regard alors qu'une légère rougeur envahissait ses joues quand Miranda répliqua que ce phénomène ne résultait pas d'une de ses actions. Comme enlacer le jeune homme par exemple. C'était sûrement vrai. Avec une pointe de cynisme, il répliqua :

- "Les voies de Dieu sont impénétrables à ce qu'on dit. Encore un mystère sans explications, ce serait pas le premier."

Il remarqua alors que Miranda prenait une jolie teinte pivoine, sans en comprendre réellement la raison. Certes, écrire et être invisible était plus facile que de parler face à face avec quelqu'un. L'invisibilité vous donnait une impression d'immunité euphorisante.

- "J'ai dis tellement de choses tout à l'heure..."

Il avait parlé d'une voix lointaine, l'esprit embrqué dans quelques pensées diverses et variées. C'est alors qu'une voix plus dure le fit sursauter violemment. Il se releva prestement, comme un gamin prit en faute et épousseta ses vêtements, avant de regarder le gardien qui le dévisageait avec méfiance et une expression peu amène au visage.

- "R... rien."

Il s'en voulut de sa façon de répondre, comme s'il avait fait quelque chose de mal et reprit un peu contenance.

- "Ce n'est pas marqué accès interdit que je sache. Vous en faites pas, j'ai pas posé une bombe ou fumer un truc bizarre, vous pouvez vérifier si vous voulez. Sur ce, je continue la visite! Bonne journée!"

Il ramassa le calepin et le crayon et esquissa une retraite prudente, mais le gardien ne semblait pas l'entendre de cette oreille.

- "Vous vous foutez de moi? Je vous trouve tout seul à marmonner dans un coin, bien caché..."

- "Je téléphonais et j'aime pas qu'on m'écoute, c'est pour ça que je me suis isolé."

- "Vous savez que c'est interdit de téléphoner ici?"

Lucas prit un air penaud. Le mensonge lui était venu tout seul et était plus plausible que de dire qu'il discutait avec sa gardienne, que le gardien de l'aquarium ne pouvait pas voir évidemment.

- "Je suis désolé, ça ne se reproduira plus."

Faire preuve d'humilité, ça devait réussir à amadouer ce bouledogue non? il lança un coup d'oeil à Miranda, qui ne pouvait bien sûr rien faire. Quelle galère.

Miranda eut un sourire presque enfantin à la remarque de Lucas. Il avait parfaitement cerné le problème. Elle s'était rapidement habituée à être invisible aux yeux de tous. Après tout, c'était un peu ce qu'elle avait souhaité du temps où elle était en vie, non?

-Et je t'en remercies toujours...

Elle préférait ne pas entrer dans un débat sur Dieu, sentant que le sujet était dangereux. Après tout, on ne pouvait pas demander à deux personnes ayant souffert d'avoir un avis positive et délirant de foi par rapport à une entité supérieur qu'ils n'avaient jamais rencontré. Tout juste pouvaient-ils se douter qu'il essayait de réparer difficilement certains pots cassés...
La jeune femme aurait bien rajouté quelque chose mais une voix bourrue l'interrompit sans ménage. Levant la tête, elle découvrit le gardien des lieux, assez mécontent de découvrir un visiteur caché là. Immédiatement, Miranda lança un regard paniqué vers le calepin laissé ouvert....
Elle n'avait pas spécialement envie que Lucas passe pour un fou furieux ou un petit plaisantin essayant de faire une quelconque séance de spiritisme. De son coté, le jeune homme essayait déjà de calmer le jeu même si le gardien semblait avoir apprit la ténacité auprès des pires sangsues.

*Non, non, non...*

S'étant relevée, la gardienne priait intérieurement pour l'homme change brusquement de proie. Elle aurait bien essayé de détourner son attention, mais il n'y avait rien à proximité qui puisse lui permettre de faire un bruit quelconque.

- "Je suis désolé, ça ne se reproduira plus."
- Ca marche pas comme ça ici....

Le gardien avança une main vers le bras de Lucas avec la ferme intention de le traîner hors de l'aquarium, très certainement vers un quelconque responsable qui ne ferait qu'envenimer une situation déjà assez compliquée. Miranda agit alors par pur instinct, ce fut presque un réflexe, elle se porta en avant, cherchant à empêcher l'homme de toucher au mortel.

-Non !

Et là... Tout se figea.
Il fallut quelques secondes à la jeune femme pour comprendre que plus rien ne bougeait dans la pièce hormis Lucas et elle. Miranda jeta un regard intrigué vers le mortel....

-C'est moi qui ait fait ça?