Un silence total régnait dans le manoir. Chose étrange. A cette heure avancée de l'après-midi, il aurait dû fourmiller de bruits tels le piaillement des moineaux , le grincement des portes ou le souflle du vent.
En réalité, il y avait en effet du bruit. Mais elle ne le savait pas. Elle, c'était Ellana, allongée sur le dos en plein milieu du jardin, les yeux grands ouverts.
Les moineaux, guére farouches, s'étaient posés à quelques pas de là et chantaient leur ritournelle si gaie.
Pour Ellana, ils semblaient faire du play-back et tout ce qu'elle entendait c'était, comme à l'accoutumée, une sorte de grésillemebt intense qui lui procurait en permanence un horrible mal de tête. Un appareil était juché sur ses oreilles, tentant d'apaiser le problème sans succés et étant censé lui permettre d'entendre les voix humaines.
Mais Ellana n'avait envie d'entendre personne. Elle n'avait pas envie qu'on la plaigne, la console, la cajôle. D'un geste rageur, elle lança au loin l'appreil, inutile à ses yeux. Il atterit quelques mètres plus loin, rebondissant sur l'herbe fraîche. Il dispersa les moineaux qui s'envolèrent à grands renforts de piaillements.
Ella haussa les épaules d'un air indifférent pendant qu'elle voyait, qui remontait du marché, sa grand-mère un cabas à la main. Grand mère aimante ? Pas vraiment. car si cela avait été le cas, elle l'aurait envoyé dans un institut spécialisé où elle aurait pu vivre avec sa surdité ou au moins elle l'aurait envoyé à l'école où elle aurait fait quelque chose de ses journées. Au lieu de ça elle avait laissé Ellana dans le manoir, prétextant que tout le reste était des dépenses inutiles et que la demoiselle s'accomoderait de sa vie.
Ellana ne s'y était jamais faite. Elle ne supportait pas de tourner en rond dans la maison à ne savoir que faire, elle rageait de ne pouvoir apprendre, penser à autre chose qu'à l'accident qui avait détruit sa vie. C'est pour cela que lorsqu'elle vit sa grand-mère elle se sauva de l'autre côté de la maison, à la recherche de solitude. Elle arriva sur l'un des nombreux cours de tennis qui entouraient le manoir. Pour s'occuper, pour passer le temps comme elle faisait toujours, elle aggripa une raquette, mit en marche la machine à balle et se campa de l'autre côté du terrain, attendant la balle.
Qui arriva. Elle la relança avec une force inouïe. Une autre vint. Même sort. Puis une autre. Et encore une autre. Les balles s'enchaînaient sans qu'elle les compte. Au moins comme ça elle ne réfléchissait plus.