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 Kasen

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Kasen Remos
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Kasen Remos


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MessageSujet: Kasen   Kasen Icon_minitimeVen 10 Aoû - 22:30

Kasen Kasen_10


Nom : Remos Dahlem

Prénom : Kasen

Surnom de Gardien : -

Âge lors de la Mort : 27 ans

Âge de Gardien : "nouveau-né"





Rapide description physique :


Un bruissement d'ailes. Kasen est là.
Son allure est sombre, on le trouve immanquablement triste. Triste et vide, comme ces miroirs qui ne reflètent que leurs propres brisures à l'infini.
Il était un homme de haute taille, et maintenant cette impression de grandeur est décuplée par la présence dans son dos d'ailes presque noires, aux furtifs reflets métalliques. Elles restent parfois sagement repliées derrière lui, en longs et effilés attributs de son nouvel emploi, parfois elles se déploient avec puissance lorsqu'il perd son calme.
Kasen est pâle, très pâle. Son origine méditerranéenne n'a jamais eu raison de sa peau claire -sans être pour autant d'une blancheur valétudinaire. Son visage lui est toujours grave. Et triste, lointain, pensif. On ne sait jamais à quoi il pense exactement, ou si seulement des pensées traversent son esprit…parce qu'il a l'air tellement vide. Ses yeux sont d'un gris perle, un gris un peu froid qui met involontairement mal à l'aise. Son regard est toujours perçant, scrutateur et attentif, mais Dieu seul sait à quel point il pouvait être doux et chargé d'émotions lumineuses, lorsqu'il était encore vivant. De même, il était d'un naturel souriant étant mortel, et sans être extrêmement expansif, il savait rassurer, communiquer par la force d'un léger sourire accroché à ses lèvres. A présent il a le plus grand mal à quitter son expression sérieuse et méditative, et cela lui pose surtout un grand problème quand il s'agit de réconforter Abel. L'anxiété le fait souvent lever une large main –une main d'homme habitué à dispenser des soins, une main douce et ferme- vers sa longue chevelure noire pour y enliser ses doigts. Il les a longtemps portés longs, coupés au niveau des omoplates; deux larges mèches s'égarent immanquablement pour encadrer son visage et s'échouer sur sa clavicule, tandis qu'une frange indomptée voile en permanence son front et dévore ses joues de fourches sombres.
Il apparaît toujours vêtu de couleurs sobres. Blanc ou noir, cette dernière couleur revenant le plus souvent. Inconsciemment sans doute, Kasen porte un deuil. Ou plusieurs, il ne sait plus vraiment.



Description psychologique :


Ah, Kasen…
Pour le connaître tout à faire, il faudrait détailler son caractère d'avant sa mort. Maintenant…et bien maintenant, Kasen n'est plus grand chose. Et il le sait, malheureusement.
Son amnésie lui a ôté beaucoup de sa personnalité. Il a toujours l'air égaré, perdu dans ses pensées et absent. Il guette avec fébrilité l'apparition de ses souvenirs, tout en les craignant plus que tout. Il se cherche lui-même, et cette quête l'absorbe tout autant que sa mission de protection.
L'Ange grec est une personne fondamentalement gentille, incapable de la moindre cruauté. Malgré ses airs froids et sauvages, il éprouve très vite de la tendresse envers certaines personnes –surtout Abel, même s'il ne le montre pas beaucoup-, et fait très souvent figure de "grand-frère-protecteur-voire-même-collant". Il ne parle jamais beaucoup, et quand il le sait c'est en pesant bien ses mots, de façon à écourter au maximum des conversations qui n'auraient pu être que stériles. Il fuit toujours les disputes, et supporte difficilement les cris (lui-même ne parle qu'à mi-voix), comme si cela éveillait en lui des réminiscences cruelles.
Son passé presque intégralement oublié le tourmente beaucoup: comme l'atteste la teinte sombre de ses ailes, sa mort a été particulièrement douloureuse et injustifiée. Il perd pied et frôle l'état de panique dès qu'il se retrouve dans des endroits confinés et sombres, sans pouvoir dire ce que cela lui rappelle… Dans ces moments où sa mémoire lui revient par brides, ce n'est jamais du bonheur qu'il ressent: son visage est sans cesse déformé par la détresse et la peine.
Concernant Abel, son jeune protégé, Kasen veille à ce que rien ne lui arrive. Et la tâche est rude, car le mortel est au seuil du désespoir le plus profond…Et si le Grec reste encore maladroit dès qu'il s'agit de se recomposer des expressions plus humaines qui expriment correctement ce qu'il ressent, il tâche de lui répéter le plus souvent possible à quel point il tient à lui et l'aime –ce qui, de son point de vue, est parfaitement vrai même si l'usage de termes aussi forts reste discutable.

Petits détails: Kasen aime beaucoup manger des sucreries, se percher en hauteur et laisser le Soleil lui donner l'impression que sa peau peut encore s'émouvoir de quelques douces chaleurs estivales –ceci relevant désormais du domaine de son imagination. Il exècre toute forme de violence –cris, brisures…-, ce qui a le don de le terrifier au plus haut point (sans qu'il puisse vraiment dire pourquoi, comme d'habitude).



Gardien de : Abel Rohendel


Lien avec d'autres personnages : -



[Supplément] Comment avez-vous connu ° Les Gardiens ° ? L'Ocularis Infernum
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Kasen Remos
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MessageSujet: Re: Kasen   Kasen Icon_minitimeVen 10 Aoû - 22:32

Kasen Plume_10


Passé :



Courir. Il avait envie de sentir le vent chargé d'embruns gifler ses joues, jouer dans ses cheveux. Il avait envie, parfois, de s'envoler, de faire comme ces oiseaux marins qui pleuraient inlassablement au-dessus de sa tête. Il lui aurait suffit de sauter, de faire juste un pas de plus.
Ses amis disaient qu'il ne connaissait pas le danger; en quelque sorte, ils avaient raison. Kasen ne voyait le danger nul part: il n'y avait que la beauté de Santorin qui l'émerveillait chaque jour un peu plus. Ca, et la peur qui dévorait ses entrailles quand il fallait rentrer à la maison lorsque le soir tombait inexorablement. Il ne le disait jamais à personne, bien entendu. Il était courageux, et gentil; les autres enfants de Fira l'aimaient beaucoup, et beaucoup le considérait comme leur grand-frère, sinon leur idole. Mais Kasen avait peur, très souvent. C'était pour ça qu'il ne restait pratiquement jamais chez lui le jour: il fuyait ses parents.

Kasen sauta d'une pierre à une autre, les bras en croix pour maintenir son équilibre. Le vent transformait sa chevelure en une torche noire et furieuse au-dessus de sa tête. Ses yeux gris perle restaient rivés sur le vide. Fira, la ville principale de l'Île de Thira, était juchée sur une immense falaise, une tâche blanche et bleue sur le roc pourpre suçoté par les flots gourmands de la Méditerranée. Un pas, juste un pas de plus.
Parfois, dans ces moments où sa tristesse frisait la folie, il se disait qu'il s'envolerait pour de bon. Un pas, rien qu'un pas et le vide lui ouvrirait ses bras aimants. Il s'envolerait, loin des disputes agressives de ses parents, loin de leurs cris et de la terreur qu'ils lui inspiraient.

"Kasen!"

L'enfant de treize ans se retourna avec aisance vers la pente douce qui menait vers la bordure de la ville. Domenico se trouvait là, à quelques mètres de lui. Le vieil Italien faisait pratiquement partie intégrante du paysage de Fira…on le voyait toujours dans le plus vieux kafénio de la ville, avec son frère cadet Luigi et ses amis, à jouer du bouzouki et chanter de leurs voix rauques mais fluctuantes comme un ruban de soie. Domenico était un ami de la famille; ou plutôt, un ami de Kasen. D'aussi loin que le jeune Grec s'en souvienne, il avait toujours été là, comme un membre particulier de la famille.

"Kasen, arrête. C'est dangereux.
_Je sais."

Le garçon sautilla légèrement sur place. Un pas un arrière, une simple perte d'équilibre, et ce serait la chute. Il vit la crainte froncer les sourcils poivre et sel de Domenico, et il cessa aussitôt son jeu malsain pour s'approcher d'un pas léger de son "oncle", un petit sourire au coin des lèvres.

"On prend le bateau dans deux heures." Fit-il d'une voix où pointait une sincère amertume. Ses parents avaient terminé la procédure de divorce, et sa mère retournait au pays de ses parents: la France. Il devait la suivre, puisqu'elle avait obtenu sa garde. Mais Kasen ne voulait pas quitter Santorin, les Cyclades, la Grèce…c'était son pays. Le seul qu'il ait jamais connu.
"Je sais, fit à son tour Domenico de sa voix profonde. C'est Valérie qui te cherche partout…et j'étais sûr de te trouver là.
_Maman ne sait pas où me chercher, murmura le garçon."
L'Italien abattit sa large main sur la tête de Kasen, et ébouriffant sa chevelure de jais déjà malmenée par le vent. Il sourit avec douceur, et décida sagement de changer de sujet:
"J'ai un cadeau pour toi!"

Il ôta sa main pour la plonger dans la poche de son jean usé jusqu'à la trame, et en sortit un petit komboloï aux perles grises irisées. Domenico posa le petit chapelet dans la main blanche du garçon, qui murmura avec émoi:

"Merci beaucoup, Domenico.
_C'pas grand chose, grogna l'Italien avant d'ajouter avec un petit rire: Mais comme t'auras besoin de calme pour supporter les Français…ça pourrait te servir.
_Tu vas me manquer.
_Toi aussi."

Kasen leva son visage vers le vieux joueur de bouzouki, un sourire étira ses lèvres. Il souriait largement, et pourtant ses yeux gris perle étaient brillants de larmes intruses. Il était heureux, et triste à la fois.
Ce jour-là, Fira lui apparut comme un lumineux et blanc bouquet de pures splendeurs écloses. Il regarda longtemps, très longtemps les falaises de la Caldeira s'éloigner, les flots de la Méditerranée orientale et le ciel à la pureté inégalable.
Même lorsqu'il arriva à Athènes et son aéroport, même lorsqu'il posa pied pour la première fois à Paris, il n'avait en tête que les notes égrenées par le bouzouki de Domenico, et la voix veloutée du doux Luigi psalmodier en grec une de ces histoires d'amour dont il avait le secret.

٭°٭°٭


Beaucoup d'années passèrent depuis son départ de Santorin. A l'école de la ville, on l'appelait plus "Le Grec" que Kasen. Mais cette étiquette était loin de lui déplaire; de plus, c'était surtout une marque de considération et d'affection que de franche antipathie. Sa mère se remaria avec un médecin nommé Olivier Dahlem, et pour la première fois de sa vie elle parut être enfin complètement heureuse et épanouie. Kasen ne l'entendit plus jamais élever la voix, et en conçut donc un profond soulagement. Sa vie était calme, et même si son pays natal lui manquait toujours, il n'était pas malheureux. Il s'entendait bien avec son beau-père, sa mère lui accordait enfin de l'attention, son apprentissage du français se faisait sans anicroche, son père et plus souvent Domenico lui envoyaient des cartes postales, qui finissaient par tapisser le mur de sa chambre tels des icônes sacrés. Il ne demandait rien de plus.
A la fin du collège, il eut une petite amie. Hélène. A son image, elle était gentille, patiente, et ils s'entendaient à merveille. Elle déménagea aux Etats-Unis un an plus tard, et il n'eut plus aucune nouvelle d'elle par la suite. Une nouvelle qui attisa l'intérêt de beaucoup de ses camarades de classes à l'entrée au lycée: car effectivement, avec son indéfectible et si exotique accent, ses yeux clairs et son caractère d'ourson en peluche, Kasen avait du succès auprès de la gente féminine. Olivier lui disait souvent qu'il ferait mieux de se méfier de la horde de harpies qui l'épiaient de loin, et Kasen, un peu naïf, ne soupçonnait même pas l'existence du pétrin dans lequel il plongeait en tâchant d'être gentil avec toutes ses prétendantes. Il l'apprit durement, au cours de son année de première, quand une jeune fille qu'il connaissait à peine et manifestement trop fragile tenta de se suicider sous prétexte qu'il "jouait avec ses sentiments".
Kasen fut profondément affecté par cet événement, et depuis éleva une "muraille" entre lui et les femmes, observant une timidité et une réserve prudente –ce qui accentuait son charme, mais cela il l'ignorait.
A la fin de ses années d'études au lycée, il obtint son diplôme avec mention et passa le concours d'entrée pour une école d'infirmiers. Il passa ses études cerné de toute part des filles, et devint rapidement le chouchou de sa promotion (à défaut de concurrence, voyez-vous…), et si cela le rendit plus timide encore, cela eut néanmoins le mérite de le réconcilier avec les femmes.
Au bout de quatre ans, il officiait déjà à l'Hôpital Balthus Ivanov en tant qu'infirmier dans le service de réanimation. La même année il apprit, par une lettre écrite d'une main tremblante et signée par Luigi, que Domenico était mort d'un arrêt cardiaque.

٭°٭°٭


Kasen avait vingt-sept ans. Lorsqu'il fêta le nouvel an avec l'ensemble du service de réa et quelques patients en état de participer aux joyeusetés générales, il se demanda ce qu'il manquait à sa vie. Une fiancée, sans doute. Sa mère et Olivier lui demandaient souvent ce qu'il en était, et jusque là il avait répondu avec humour que son plus grand amour restait Gengis Khan, son chat Korat. Cela faisait plusieurs années déjà qu'il vivait dans son appartement avec son animal de compagnie, et il se sentait proprement incapable de faire durer une relation amoureuse plus de deux ou trois mois. Il se disait que cela viendrait, qu'il finirait pas trouver quelqu'un d'idéal, quelqu'un qu'il n'aurait pas peur de briser…Kasen était d'un naturel patient.

Voilà où il en était, au début de la pire et dernière année de son existence mortelle.

٭°٭°٭


Kasen déambulait dans le couloir sur service de réanimation, poussant un chariot devant lui. C'était en milieu d'après-midi, mais il y avait peu de personnes dans cette partie de l'hôpital. Les patients étaient rares, mais les médecins qu'il avait croisés affichaient des expressions soucieuses. Pourquoi? Un homme avait été admis aux urgences la nuit dernière et reposait à présent dans son service. Un témoin crucial dans une histoire de mafia locale, ou quelque chose comme ça. Kasen n'était pas très curieux de nature, aussi avait-il laissé ses collègues se perdrent en discussions sous capes pendant qu'il effectuait son travail, comme d'ordinaire.
Le fameux blessé se trouvait dans la chambre 3-56.

"Remos!"

Le Grec se retourna et avisa une jeune infirmière qui se précipitait vers lui à grandes enjambées. Il lui adressa un sourire, et lui demanda:
"Qu'est-ce qu'il y a, Lucie?
_J'ai perdu un caisson de seringues…je crois que quelqu'un les as volés. Le temps que j'aille signaler ça au chef, tu pourrais aller en chercher un autre, s'te plaît?
_Bien sûr."

Kasen la regarda s'en aller avec un sourire bienveillant aux lèvres, puis calla le chariot contre le mur avant de se diriger vers une pièce qui servait d'entrepôt de secours pour les différents produits et matériels médicaux. Il chercha la petite caisse sur une étagère quelques instants, puis une fois extirpée et placée sous son bras, il s'apprêta à sortir de la pièce lorsqu'un détail à l'extérieur attira son attention. A travers l'unique vitre brouillée de la porte, il pouvait très bien voir la chambre 3-56. Et il était prêt à parier que quelqu'un venait de pénétrer dans la pièce –alors que les visites étaient strictement interdites.
Intrigué, l'infirmier sorti dans le couloir. Il n'y avait personne, et tout semblait parfaitement calme. Il s'approcha de la 3-56, et connaissant par la force de l'habitude comment ouvrir les portes de son service sans un bruit, il écarta lentement le panneau. Un homme se tenait effectivement devant le lit, lui présentant son dos. Il portait une blouse de médecin, mais jamais, au grand jamais, Kasen n'avait vu un médecin de Balthus Ivanov avec de pareils cheveux blonds platines.
Il s'apprêta à manifester sa présence lorsqu'il vit l'inconnu plonger une seringue vide dans la perfusion. Cette vision lui fit l'effet d'un sceau d'eau glacé déversé sur ses épaules.
Il allait le tuer!

٭°٭°٭


"J'ai surpris cet homme dans la chambre de Matthieu Forey. Il avait très probablement volé une seringue à l'une des infirmières du service, puisque l'on déplorait la disparition d'un caisson –cela arrive de temps en temps, et ce n'est pas aussi grave que cela dans la plupart des cas. Il a introduit la seringue dans la perfusion du patient, maintenu dans un état stable mais encore précaire par les médecins. La bulle d'air a formé un caillot dans les vaisseaux sanguins, et a donc provoqué l'arrêt cardiaque. Cela aurait très bien pu passer pour un accident, et il devait se douter que les médecins ne pourraient pas le ramener une seconde fois."
L'avocat le fixa intensément, jaugeant sa déclaration avec une approbation manifeste. On ne l'interrogea pas plus que cela –n'était-ce pas entièrement suffisant pour enfin condamner Alexis Madallena?
Le procès, après une longue heure de plaidoiries et de débats de jurés, toucha à fin sur l'implacable verdict: trente ans de réclusion criminelle.
Kasen se leva de son banc alors que les policiers conduisaient le meurtrier hors du tribunal. Son regard croisa furtivement celui de Madallena et ce dernier, dont le visage était curieusement féminin, lui adressa un sourire dément avant de détourner la tête, bousculé sans ménagement par son escorte. Kasen frémit, mais mit bien vite de côté son appréhension.
Il n'avait rien à craindre: cet homme allait directement en prison. Il avait aidé la Justice et c'était ce qu'il devait faire.
Une semaine plus tard, il apprit dans la presse qu'Alexis Madallena s'était suicidé dans sa cellule.
Il n'avait donc absolument rien à craindre. N'est-ce pas…?

٭°٭°٭
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MessageSujet: Re: Kasen   Kasen Icon_minitimeVen 10 Aoû - 22:35

٭°٭°٭


Driiing…!

Kasen bailla, se traînant vers la porte au-delà de laquelle la sonnette carillonnait toujours avec entêtement. Gengis Khan avachi en travers de son épaule, le Grec ouvrit la porte, non sans pester contre l'écrasante chaleur caniculaire qui s'était abattue sur la ville depuis quelques jours. Il n'était vêtu que d'un jean, et se cheveux étaient défaits –mais il savait qui était venu le voir, par intuition sans doute.

"Salut Manu."

Le jeune facteur face à lui lui adressa un large sourire, et répondit avec entrain:

"Fraîchement réveillé, Kasen?
_Grâce à toi, merci bien, grommela l'infirmier sans une once de reproche dans la voix. Alors, quoi de beau?
_Factures, une lettre recommandée du tribunal comme d'hab…une carte postale. Et des factures."

Kasen esquissa une moue boudeuse, et prit des mains tendues d'Emmanuel la liasse de lettres qui lui étaient destinées, et signa l'avis de réception.

"Ca fait un mois que le procès a eut lieu et ils trouvent encore des prétextes pour m'écrire.
_Tu as des fans haut-placés, plaisanta le jeune homme aux boucles légères tout en s'éventant avec une revue publicitaire.
_Entre, si t'as le temps.
_…le temps d'un verre d'eau, geignit le facteur en battant exagérément des cils. Je vais me dessécher par cette chaleur!"

Kasen rit doucement et laissa le champ libre à son ami, qui connaissait déjà les lieux. Depuis qu'il s'était impliqué dans l'affaire Madallena, il avait reçu pratiquement tous les jours des lettres du tribunal, de l'avocat du parti civil, des huissiers, etc…Et à chaque fois, c'était à Emmanuel qu'il avait signé l'accusé de réception. Progressivement et sans que rien ne le laisse présager, ils étaient devenus amis. Enfin presque, mais ce n'était qu'une question de temps… Il fallait dire que Manu était quelqu'un de réellement attachant.

"DIEU TE BENISSE TOI ET TON FRIGOOOO!!!!"

Kasen entra dans le coin cuisine, pour s'offrir le spectacle d'un Emmanuel béat, statufié devant un frigidaire grand ouvert. Gengis Khan miaula et sauta de l'épaule de son maître –en lui laissant des marques de griffures au passage- pour aller faire son mignon contre la jambe du facteur. Même le chat d'ordinaire si jaloux et revêche le trouvait attachant.
Le Grec lui éclata de rire, puis se laissa tomber sur une chaise pour consulter son courrier –le temps qu'Emmanuel profite d'un peu de fraîcheur. Les factures finirent sur la même pile des hérétiques que le courrier recommandé, la carte postale signée par sa mère attira son attention quelques minutes, puis il tomba sur une petite enveloppe qui semblait avoir échappé à l'énumération du facteur.
Il l'ouvrit, et n'y trouva qu'une fine bande de papier qu'il déplia:

Je t'apprendrai ce que le mot "souffrance" signifie.



٭°٭°٭



"Monsieur Remos! Monsieur Remos!
_Hm?
La porte de l'immeuble de referma. Kasen avait les bras chargés de sacs de courses.
_C'est horrible, vous…votre…ah mon dieu…
La concierge s'agitait, ses maigres cheveux roux formant une auréole solaire au-dessus de sa tête.
Kasen fronça les sourcils, et demanda d'une voix profonde:
"Que se passe-t-il?
_Votre chat…Gengis Khan…je l'ai retrouvé tout à l'heure…ah quelle horreur, quelle cruauté!…
_Quoi?!
_Quelqu'un l'a…cloué…à votre porte…Oh je suis désolée, on ne sait pas qui a fait ça! Même les pires gamins du quartier seraient incapables de faire une chose pareille…c'est…"

Kasen frémit, et se mura dans un mutisme attristé en laissant la femme continuer son récit. Elle avait tout nettoyé, et avait même eut la bonté de déposer la dépouille du chat dans un "cercueil" de carton…

"Est-ce qu'il y avait… un mot?
_Non…non, je ne crois pas."

Kasen la remercia à demi-mot, et monta les escaliers pour rejoindre son appartement. Il ne trouva que deux gouttes de sang frisant la moquette du seuil. Lorsqu'il ouvrit la porte, de longues lettres noires dessinées sur le mur d'en face l'attendaient:

Tu goûteras à ce lent et noir poison…


٭°٭°٭



Le délicat chapelet de perles roulait entre ses doigts, en émettant des cliquetis ténus et apaisants. Cela faisait des années qu'il possédait ce komboloï, et il ne s'était pas encore cassé.
Kasen l'observa un bref instant, perdu dans ses pensées. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressortit cette précieuse relique du tiroir de sa table de chevet. Il ne l'avait que lorsqu'il avait été "responsable" d'un presque-suicide, que lorsque Domenico était mort. C'était tout. Et il l'avait ressorti aujourd'hui, parce qu'il avait peur.

C'était un sentiment qu'il n'avait pas connu depuis bien longtemps.

"Kasen?"

Une bulle qui éclate. Kasen émergea de ses songes, intrigué par le ton qu'avait employé Emmanuel. Un ton inquiet. Il lui adressa un sourire qui se voulait à la fois joyeux et rassurant, et expliqua d'un ton léger:

"Pardon pardon, j'avais la tête ailleurs."

Le café où ils s'étaient arrêtés pour la pause-déjeuner était calme, mais l'on entendait en permanence les vrombissements des voitures dans les artères de la ville. Il s'attarda un moment sur le visage de Manu. Un visage ovale encadré d'une nuée de boucles éthérées couleur chocolat au lait, un peu comme celles finement ciselées des antiques statues grecques, de larges yeux noisette (des yeux de biche même! Ses cils noirs et fournis étaient son arme ultime de persuasion, en Kasen en faisait souvent les frais), des lèvres fines qui creusaient des fossettes sur ses joues au moindre sourire. L'infirmier n'aurait jamais osé le comparer à une poupée, mais la tentation était grande et la ressemblance troublante.
C'était la première fois qu'il invitait son facteur préféré à l'extérieur –jusque là, ils ne se voyaient "que" lorsque Emmanuel venait lui livrer le courrier en main propre, le matin. Ils étaient allés à Athalantide, et Kasen devait bien avouer qu'il s'était amusé comme un gamin.
Il en avait presque oublié ses tracas actuels. Presque.

"Oublie pas: tu me dois une sortie à Sybéria." Argua Emmanuel en tiraillant le col de son t-shirt copieusement arrosé (ils s'étaient "battus" à grand coup de bouteilles d'eau…).
Kasen rit légèrement, et claqua la langue en levant brièvement les yeux au ciel. Une façon toute grecque de marquer son assentiment.
"La semaine prochaine, ça te vas?
_Euh…euh non..."
Le facteur eut un petit sourire gêné, et passa une main derrière sa nuque en paraissant s'absorber dans la contemplation de la route.
"En fait…je quitte la ville pour un petit moment, avec des…amis, et…'fin voilà, je reviendrai dans deux semaines au plus tôt."

Kasen haussa les sourcils, pas vraiment déçu mais presque. Emmanuel n'avait jamais évoqué ce départ, et c'était plutôt ce silence-là qui l'intriguait:

"Tu vas où?
_Euh…à Avers."

Ils se turent et l'on entendit une mouche tousser de gêne. Dans la région, qui disait "Avers", ou plus précisément "Avers en été" disait… Gay Pride.
Kasen fixait avec des yeux arrondis par la surprise son ami, qui avait incliné la tête dans le vague espoir de cacher son visage empourpré. Emmanuel, homo?

"Hep, Bambi…"

En entendant la voix grave de Kasen, le susnommé Bambi leva timidement son regard de faon, et balbutia un rapide:

"Pardon Kasen je savais pas comment te le dire enfin je dire j'y ai souvent pensé et le temps passait et j'osais pas s'il te plaît le prend pas mal tu…
_Tut tut tut, pas d'excuses."

Kasen prit un air sévère, et décréta:

"J'peux savoir en quel honneur tu as cru que je le prendrais mal?"

Puis il sourit largement, et allongea le bras pour flatter la chevelure bouclée d'Emmanuel, qui ne parvint qu'à rire nerveusement pour exprimer son soulagement et évacuer son stress soudain.
Alors qu'il ouvrait la bouche pour reprendre leur conversation, la voix d'Ella Fitzgerald se fit entendre depuis la poche de son jean. Kasen sursauta, et extirpa rapidement son portable de sa poche pour en soulever le clapet et le porter à son oreille:

"Allô?
_Kasen, c'est Olivier…"


٭°٭°٭



Kasen était allongé sur son canapé, amorphe, terrassé par la fatigue. Ses yeux étaient brûlants, mais il fixait toujours le plafond avec insistance.
Sa mère était morte. Morte. Assassinée. C'était Olivier qui l'avait retrouvé en rentrant de l'hôpital. Assise dans un fauteuil face à la fenêtre, égorgée. Et l'on avait retrouvé sur les vitres de cette fenêtre, un mot écrit en lettres de sang:

Ce poison qui t'ôtera toute raison…


Personne n'avait comprit. Kasen oui, pourtant il n'avait rien dit. Il était trop terrifié, trop abruti par la douleur. Mais qui l'aurait écouté? "Mon chat est mort de la même façon"…Non, personne, absolument personne. Il ne savait pas quoi faire…Que lui arrivait-il?
Pourquoi lui?Et qui…qui était donc responsable?!
Le jeune Grec passa une main lasse sur son visage, triturant de l'autre son komboloï. Il portait encore les vêtements intégralement noirs qu'il avait endossé le temps de l'enterrement. Il avait laissé Olivier seul –ce dernier n'avait de toute façon envie de voir personne- et était rentré à son appartement. Allongé sur le canapé, il avait longtemps pleuré et gémit face au silence pesant de son logis, puis s'était résolu à prendre le téléphone pour appeler son père. Parler en grec lui avait manqué. Il aurait pourtant voulut articuler d'autres mots que "mort", et "désolé"…mais voilà. Il resta un long moment à écouter son père –il ne se souvenait même plus du timbre de sa voix-, puis il lui demanda timidement des nouvelles de Luigi. Ce dernier était retourné en Italie, depuis quelques mois déjà.
"Papa…
_Oui?
_J'ai envie…j'ai envie de rentrer en Grèce. Tu ne peux pas savoir à quel point Santorin m'a manqué, tout ce temps. Et puis…je crois que j'ai besoin de changer d'air.
_Ma maison te sera toujours ouverte, Kasen. Tu le sais.
_Oui…Je…Je vais te laisser. Je suis fatigué."

Il avait raccroché, et s'était mis à observer le plafond, miné par une tristesse innommable. Sans s'en rendre vraiment compte, il s'endormit. Ses rêves étaient peuplés de notes cristallines de bouzouki, et il voyait sa mère danser et tournoyer dans les bras d'Olivier, vêtue d'une longue robe blanche vaporeuse. Elle riait aux éclats.
Quand il se réveilla, ses joues étaient humides de larmes. Et figé au mur, goguenard, était apparu un nouveau message:

Apprend, apprend donc ce que "souffrance" signifie.


٭°٭°٭
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MessageSujet: Re: Kasen   Kasen Icon_minitimeVen 10 Aoû - 22:37

٭°٭°٭


Ce furent les semaines les plus cauchemardesques de sa vie. Kasen cessa d'aller à son travail et se cloîtra dans son appartement, sa paranoïa naissance le lui laissant aucun repos.

*Tous les gens autours de moi…tous ceux auquel je tiens…ils meurent…Ma faute…c'est ma faute…*

Kasen pleurait, et buvait. Il n'avait jamais beaucoup touché à l'alcool, mais là, c'était plus qu'une envie ou même un besoin. Le liquide éthylique anesthésiait son cerveau, l'empêchait de trop souffrir et la Culpabilité desserrait fictivement son étau autour de sa gorge. Il fixait le mur redevenu blanc, qu'il avait briqué comme un enragé, même après que les lignes noires aient totalement disparues de sa surface.
Ses mains tremblaient, et il mangeait peu. Il avait peur de sortir; peur d'être à nouveau responsable d'un assassinat.

Le téléphone sonna plusieurs fois. Son portable aussi.

*Qui…Qui pourrait s'introduire chez moi, si facilement…et…pourquoi…qu'est-ce j'ai fais?!*

Kasen pleurait, hurlait même. Une bouteille d'ouzo vidée alla se briser contre le mur coupable. Comme il était resté trop près, un tesson traça une ligne pourpre sur sa joue. Au bout de ces deux semaines, il finit par céder, et décrocha le téléphone. On lui annonça que son père était accidentellement tombé de la falaise de Fira, et qu'il était à présent dans un coma dont il ne sortirait certainement jamais. Le téléphone se brisa contre le mur à son tour.

Les voisins s'inquiétèrent et pestèrent contre les continuels cris de damnés que les murs pourtant insonorisés peinaient à couvrir. La brave concierge tenta plusieurs fois de lui parler et de lui apporter des plats préparés par ses soins, mais elle se vit congédier vertement à chaque essai. Trois jours passèrent ainsi, et personne d'autre n'osait intervenir.
C'était bien plus qu'un changement brutal de comportement; Kasen frisait la folie. Il était fatigué, à bout de nerf, usé jusqu'à la trame par ce jeu macabre auquel s'adonnait cette ombre haineuse. Elle avait voulu qu'il connaisse la vraie souffrance? C'était fait, il était plus mort que vif.
Et maintenant?!

On frappa à la porte. Kasen, qui avait perdu connaissance à même le sol, émergea douloureusement des brumes de son esprit éreinté, et se frotta le visage d'une main lasse. C'était sûrement la concierge.

"Allez-vous-en…!" Parvint-il à articuler d'une voix étrangement rauque.

Silence. Puis une voix claire et ô combien familière s'éleva:

"Kasen…?"

Cette apostrophe indécise lui fut l'effet d'une douche froide –ce qui eut le mérite de le tirer définitivement de sa torpeur nauséeuse.
Emmanuel. C'était lui…
Lentement, le Grec se releva, et s'approcha en titubant de la porte. Son cerveau tournait à vide, mais une seule chose était claire: il avait envie de revoir son visage, et ses yeux de faons, et son sourire qui creusait des fossettes sur ses joues imberbes.
Il appuya sa main sur la poignée; le panneau glissa sur ses gonds. Emmanuel le dévisagea avec stupeur –pourquoi? Parce qu'il ne s'était pas rasé depuis deux jours, parce qu'il n'avait pas soigné l'estafilade sur sa joue, parce qu'il avait des cernes immenses, parce qu'il empestait l'alcool…? Les raisons étaient nombreuses.
Kasen dévisagea son ami d'un air hagard, silencieux, presque admiratif. Emmanuel paraissait si… frais, épanoui comme une fleur de mai. Il en était presque lumineux.

"Qu'est-ce qui t'arrive? Tu es pâle à faire peur…"

Le facteur étendit sa main vers sa joue pour toucher avec prudence la coupure rouge sombre. Une lueur d'inquiétude s'alluma dans ses larges yeux noisette, et il répéta:

" Kasen, ça va?"

Le Grec sentit son cœur se serrer, se déchirer et exploser tout à la fois. Il avait envie de fuir. Et emmener Emmanuel avec lui, à Santorin, ou plus loin encore. Là où ils serraient tranquilles, enfin.
Pourtant cela sonnait faux dans son esprit.
Comme quelque chose d'impossible à réaliser.


Il fut presque surprit de se voir enlacer brusquement Emmanuel, comme on se cramponne à une bouée de secours, comme on cherche à s'accrocher à la vie ou à un lambeau de raison. Le jeune Français esquissa un pas un arrière, mais ce n'était que pour conforter son équilibre, et posa ses mains fraîches sur les épaules de Kasen, sans insister. Ce dernier avait envie de pleurer, mais rien ne vint, pas même ce cri muet qui dilatait sa gorge.
Comme dans un état second, il s'écarta d'Emmanuel, captura son bras et l'attira à l'intérieur sans un mot, avant de fermer la porte dont les verrous s'étaient multipliés en l'espace de quelques jours. Sans réfléchir, il se retourna vers Emmanuel, et enfouit son visage au creux de son cou chaud, embrassant cette peau à l'albâtre parfait. Il le sentit frémir, mais l'empêcha de prononcer le moindre mot en plaquant avec douceur sa main sur ses lèvres, avant de remonter pour la remplacer par les siennes.
Il l'embrassait. Il aimait ça, et il continuait.
Il aurait été incapable sur le moment de mesurer l'impact de ses gestes. Il répondait simplement à son envie, une envie qu'il n'avait pas la force de remettre en question. Il s'était longtemps cru hétéro, peut-être l'était-il encore…peut-être qu'il aimait la "poupée" qu'il se plaisait tant à contempler. Et de toute façon, cette histoire de sexe n'avait aucune importance.
Plus rien ne tenait debout dans son monde.

Alors qu'il semait des baisers sur l'épaule d'Emmanuel tout en déboutonnant fébrilement sa chemise blanche, un "Je t'aime" s'égara en un souffle chaud sur son oreille. Il versa une larme fugitive, terrassé. Il le serra contre lui, pour sentir la chaleur de son corps, la douceur quasi irréelle de sa peau, pour oublier cette impression mordante d'être un vil opportuniste. Il l'aimait, il l'adorait, oui…mais peut-être pas comme Emmanuel lui-même le désirait.



Le matin déversait une pluie de lumière dans la chambre de Kasen. Quand il ouvrit à demi les yeux, la première chose qu'il vit fut le visage endormi et curieusement souriant d'Emmanuel, blottit contre lui. Il sourit à son tour, un peu fiévreusement, et déposa un baiser sur cette adorable fossette qui ornait sa joue tout en caressant l'arrondit de son épaule nue. Il aurait souhaité que cette poignée de secondes s'éternise. Ne pas penser à ce qu'il avait fait, ne pas chercher à regretter. Juste aimer Emmanuel comme l'ange qu'il était.
Mais son nuage d'insouciance se délita bien vite. Trop vite même; il perdit l'équilibre et sombra dans un abysse de crainte.

Et si, parce qu'il avait fait l'amour avec lui, il allait mourir comme les autres?!

La crainte se transforma en peur; la peur en terreur. Il se redressa en position assise, enfila ses vêtements prestement. Et c'est là que son regard tomba sur le miroir accroché au mur, face à son lit.


Je t'arracherai tout ce à quoi tu tiens.



Kasen fixa les lettres, se fixa lui-même. Lui, si pâle, aux traits tirés, aux yeux cernés, aux cheveux en bataille. Ces mots, cette menace qui planait au-dessus d'Emmanuel parce qu'il avait été assez stupide pour le traîner dans son lit sur un coup de tête... Kasen enlisa ses mains dans ses cheveux, les yeux agrandis par la panique. Il s'empressa de décrocher le miroir et le cacher, puis s'accorda quelques secondes d'hésitation, à contempler le corps du jeune homme recroquevillé sous le drap blanc.

"Emmanuel."

Sa voix était sèche, cassée. Le facteur émergea en douceur de son sommeil. Ses cils noirs et fournis battirent comme des ailes frémissantes de papillons, puis un regard noisette s'accrocha au sien. Il lui souriait si tendrement que Kasen crut qu'il allait fondre en larmes. Mais il devait le faire…il le devait.

"Casse-toi."

Silence. Emmanuel le regarda, comme s'il croyait avoir mal entendu, et se frotta le visage d'une main lente. Son sourire s'était déjà estompé: non, il avait bien compris, mais refusait d'y croire.

"Tu entends?!" fit fébrilement Kasen en serrant les poings. "Lève-toi, prends tes affaires. Va-t-en tout de suite!
_Kasen, qu'est-ce que…
_DEGAGE!"

Le Français se figea, peiné par l'éclat de voix furieux de son "amant". Il se rhabilla avec lenteur, sans croiser une seule fois le regard de Kasen qui était resté planté au même endroit, puis s'arrêta devant lui. La tête inclinée comme un pénitent, il passa une main sur sa nuque, puis fit d'une petite voix:

"On…On aurait pas du faire ça…"

Cela sonnait plutôt comme une question. Les lèvres de Kasen frémirent, et heureusement ce spasme musculaire pouvait très bien indiquer son fictif agacement.

"Non. J'ai fais une erreur."

Il savait que ses paroles blessaient Emmanuel. Mais il continua, d'un ton dur et sec:

"Je veux plus jamais te revoir. Va-t-en! Retour avec tes pédés de copains à Avers, si ça te chante, mais ne reviens plus jamais chez moi, ne pose même plus un pied dans mon quartier!"

Manu sembla se faire tout petit, et il serrait contre lui sa veste, le visage toujours incliné. Un sanglot s'échappa d'entre ses lèvres lorsque Kasen lui agrippa brutalement le bras pour le conduire jusqu'au vestibule. Arrivé là, il le plaqua contre la porte avec rudesse, le poing fermé sur le col de sa chemise froissée, puis renchérit d'une voix sombre:

"Si tu ne fais pas ce que je te dis, je te tue. Et je suis très sérieux."

Heureusement qu'Emmanuel conversait un regard fuyant. Jamais Kasen n'aurait pu tenir cet ignoble rôle s'il avait eut à croiser ses grands yeux purs.

"Comment…comment j'ai pu me tromper aussi lourdement sur ton compte?" Murmura faiblement le facteur en se dégageant mollement de la poigne du Grec pour ouvrir lui-même la porte. "Ne t'inquiète pas, je suis certain qu'on ne se reverra jamais."

La porte se referma sans un bruit.
Kasen compta jusqu'à trente, immobile mais tremblant comme une feuille. Lorsqu'il fut certain qu'Emmanuel était loin, il laissa échapper sa peine dans un grand cri de fauve à l'agonie, et frappa la porte de toutes ses forces.

Assez, il en avait plus qu'assez!


Je me rends



Kasen contempla sa propre écriture qui s'étendait sur toute la longueur du mur face à la porte, blême comme un mort. Le feutre glissa d'entre ses doigts et chuta dans un bruit sourd sur le sol.
Il en avait assez. Assez de souffrir comme ça.
Le Grec se dirigea d'un pas lourd vers le coin cuisine, ouvrit le frigidaire et en sortit sa dernière bouteille d'ouzo pur. Puis il alla dans sa chambre pour se réfugier dans les draps encore tièdes pour sangloter et noyer sa douleur dans l'alcool. Il continua ainsi jusqu'à ce que la fatigue mentale et l'ivresse aient raison de sa conscience.
Alors que ses paupières de plomb s'abaissaient, il songea que c'était sans doute la fin. Il ne pouvait de toute façon pas tomber plus bas. C'était impossible.
Et pourtant…

٭°٭°٭


Dernière édition par le Ven 10 Aoû - 23:21, édité 1 fois
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Kasen Remos
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MessageSujet: Re: Kasen   Kasen Icon_minitimeVen 10 Aoû - 22:40

٭°٭°٭


Ce fut une gifle violente qui le réveilla.

Kasen, abasourdi, battit des cils un long moment, ayant le plus grand mal à remettre de l'ordre dans ses pensées, et surtout, découdre le rêve de la réalité. Sa mère n'était plus là pour danser, et la voix de Luigi n'était plus là pour se mêler à celle de Manu. Il faisait froid, et c'était déjà la nuit. Etait-il resté inconscient si longtemps?
Il voulut se frotter le visage, mais fut bien obligé de constater que ses mains avaient été liées dans son dos. Il était assis sur une chaise, dans l'herbe douce d'un endroit baigné par la faible lueur d'un croissant de lune. Même s'il s'agissait d'un paysage nocturne, Kasen reconnu sans peine la forêt de Rockwood.

"Réveillé?"

Deux hommes qui semblaient avoir été coulés dans le même moule colossal se tenaient à ses côtés, habillés de noirs. Un autre homme, plus petit, mince comme une liane, se tenait devant lui. La Lune gorgeait d'éclats lactescents sa chevelure blond platine.
Kasen sentit son sang se glacer.

"Ma…Madallena…?!"

N'était-il pas mort? Dans sa cellule?! Kasen sentit une nausée violente l'assaillir et manqua de peu de retomber dans les pommes. L'un des gorilles empoigna brutalement ses cheveux pour l'obliger à garder la tête haute. Un rire dément répondit alors à son exclamation terrifiée, et le blond fit d'un ton léger:

"On nous disait souvent qu'on se ressemblait comme des jumeaux. Il y a pourtant deux années qui séparent nos naissances…Mais permets-moi de me présenter: je suis Xavier Madallena."

Kasen haletait. Ses yeux brûlaient comme des charbons ardents, et pourtant aucune larme de coulait sur ses joues.

"Inutile de te présenter à ton tour: je te connais par cœur depuis tout ce temps." Reprit-il avec un sourire mauvais."Alors comme ça, 'tu te rends'…?"

L'infirmier hocha faiblement la tête, la gorge serrée. C'était donc cela…? La vengeance d'un frère? Il eut soudainement envie de rire, mais ce fut une goutte d'eau qui s'échappa d'un œil telle une étoile filante. Etait-ce une raison suffisante pour détruire la vie, tuer la famille d'une personne? Sans doute, oui. Cette souffrance, ils l'avaient en commun maintenant.

"J'aurais voulu aller jusqu'au bout, tu sais", fit tranquillement l'homme face à lui. "Tuer un à un tes proches, jusqu'à ce que tu te retrouves seul. Je pourrais te relâcher maintenant d'ailleurs, et aller descendre ton petit copain, mais…"

Son regard froid, si semblable à celui de son frère s'ancra dans le sien, et il siffla d'un ton haineux:

"Mais maintenant que je t'ai sous la main, l'envie de te tuer est bien trop grande...(Xavier effectua un demi-tour élégant pour s'approcher d'une longue caisse de bois) J'ai donc résolu mon dilemme de la meilleure façon qui soit…Je me suis arrangé pour t'offrir une mort digne du crime que tu as commis, mon cher Kasen…"

Il se retourna, sourit largement.

"Mon petit frère était claustrophobe…son incarcération l'a terrifié au plus au point. C'est pour cela qu'il s'est suicidé, croyant que je ne pourrais pas organiser son évasion… Tu connaîtras la même souffrance qu'Alexis, crois-moi…"

Kasen ne comprit pas ; mais la vérité, cette horrible et innommable vérité se révéla progressivement.
Il ne comprit pas lorsque les deux sbires le Madallena l'empoignèrent par les bras pour le diriger vers cette caisse noire.
Il ne comprit pas non plus lorsqu'il reconnu un cercueil.
Il s'attendit –non, il espéra- voir apparaître un couteau, un pistolet, du poison, n'importe quoi.
Mais non, rien ne vint.
Kasen hurla, il se débattit. On le poussa. Les clous s'enfoncèrent dans le bois du cercueil, l'empêchant de défoncer le couvercle.
Il se sentit chuter dans un trou profond, mais la terreur était plus grande que la brûlure de son dos et de ses épaules. Il hurla, encore et encore, frappant, grattant le bois à s'en déchirer les ongles, alors qu'il entendait régulièrement le bruit des pelles et de la terre retombant sur son étroite prison.

On l'avait enterré vivant.

Même lorsqu'il n'entendit plus aucun bruit que le tempo infernal de son cœur, il continua de crier, dévoré par une terreur défiant l'imagination, et à chercher à se libérer –en vain. Il continua, comme un fou, même lorsque l'air se raréfia, jusqu'à ce que ses poumons le brûlent et que son corps s'alourdisse comme du béton.
Alors qu'il sentait son cœur cesser lentement de battre, les derniers soubresauts de son esprit le conduisirent à Santorin, pour un voyage d'adieu.
Santorin la Magnifique, la Plus Belle, cette île baignée par le Soleil et bercée par les Vents. Il vit Domenico jouer du bouzouki et accompagner de sa voix rauque celle, éthérée, si délicate de Luigi; Luigi qui chantait son amour pour une belle inconnue aux cheveux de nuit. Il vit le vent murmurer dans les branches d'olivier, et Emmanuel rire aux éclats en jouant avec Gengis Khan. Il vit sa mère, dans sa vaporeuse robe blanche, danser avec Olivier, et rire, et rire encore. Il entendait des rires de joies, et tout semblait immergé dans une chaude et apaisante lumière.
Son dernier spasme musculaire fut un sourire apaisé alors qu'il pensait que son esprit tournoierait à l'infini dans cette merveilleuse image de Paradis.


Kasen Plume_11


٭°٭°٭


Kasen suivit de ses yeux gris perle les déambulations songeuses d'Abel.
Ce garçon était devenu son protégé, depuis qu'il était devenu un Gardien.
Quelqu'un, Dieu sans doute…il ne savait pas exactement, avait décidé de le renvoyer sur terre. Il ressemblait à un ange, au détail près que la couleur de ses ailes n'était pas le blanc éclatant des messagers divins des icônes et des fresques. Noires, quasiment. Il ne savait pas ce que cela signifiait.
Il avait oublié les circonstances de sa mort, une bonne partie de sa vie également… Il se souvenait de son île natale, de sa profession, de son nom et son prénom, vaguement son âge et les petites choses de la vie qu'il aimait. C'était tout.
Il ne savait qu'on avait pensé, suite à sa soudaine disparition, à un suicide –"Je me rends", n'était-ce pas suffisamment convaincant pour la police…? Il ne savait pas que son corps de chair étaient toujours à six pieds sous terre, quelque part dans la forêt de Rockwood. Non, tout le reste, il l'ignorait, ou demeurait sous scellé, au fond de son esprit.

Il était ici sur Terre pour Abel, et il veillait à accomplir sa mission du mieux qu'il pouvait…

"Mais où est cette fichue boîte?!"

Le Gardien porta son attention sur Merlin, le poisson rouge, qui perpétuait son discours muet dans son bocal, faisant frétiller ses nageoires vaporeuses dans l'attente de son deuxième repas du jour.

"Je crois que tu l'as rangé dans ce placard ce matin." Fit-il d'une voix basse en désignant du doigt ledit placard.

"Ah trouvé! Merci Kasen."

L'ange s'accroupit, ses grandes ailes sombres frémissant légèrement, pour observer aux côtés du jeune mortel la pluie de paillettes dans l'eau de l'aquarium.
Un petit sourire se fraya lentement un chemin sur ses lèvres, sans qu'il s'en rende vraiment compte, et sans pouvoir mettre le doigt sur ce qu'un tel spectacle lui évoquait.
Ce n'était peut-être pas important.

٭°٭°٭
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Sasha
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MessageSujet: Re: Kasen   Kasen Icon_minitimeDim 12 Aoû - 15:52

Bonjour et bienveue sur Les Gardiens Kasen !

Ta fiche est superbe, vraiment, j'en suis encore toute émue !!
Tout dans ton histoire fait que l'on ne peut en détacher les yeux, tellement elle est poignate et pleine de rebondissements. Tes petits clins d'oeil aux fora de l'OI sont également judicieusement placés, je ne peux que t'en remercier Wink

Bien entendu, tout ceci pour dire /

FICHE VALIDEE


Bienvenue encore, et bon jeu.
Je m'empresse maintenant d'aller lire celle d'Abel, afin que vous puisssiez commencer à jouer Wink

A bientôt au détour d'un post ^^
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Kasen Remos
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MessageSujet: Re: Kasen   Kasen Icon_minitimeDim 12 Aoû - 19:26

cheers Merciiiiiiiiiiiiiiii!!!!! I love you I love you I love you *glomp*
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MessageSujet: Re: Kasen   Kasen Icon_minitime

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