- Pause - - - [OUVERT]

[le port

]

tip top tip top

La nuit est tombée depuis quelques heures déjà... les néons se sont allumés, et le volume sonore de la ville s'est amenuisé, se dirigeant petit à petit vers le silence profond et confus.

tip top tip top

La nuit est noire, tout juste fendue par les phares des quelques voitures qui passent encore dans les rues mortes, leur moteur vrombissant avant de se faire, lui aussi, dévorer par le calme. Le port est déjà loin.

tip top tip top

Les ultimes créatures encore de sortie sont les rats et celles, perdues, qui n'ont de vie que celle des rues le soir. Triste vie. Mais pourtant, l'une d'elle est en train de fuir. Fuit-elle la vie ?

tip top tip top

La silhouette toute de noir vêtue, discrête dans l'obscurité, s'avance cahin-caha sur l'asphalte. Elle manque de se faire renverser, trébuche dans le pan un peu déchiré de sa jupe et finit par attérir contre le mur en face.

tip.

Elle s'arrête.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Blême, Annah avait donc finit par s'arrêter. Depuis le port, et ce en dépit de ses talons qui de temps à autre s'agrippaient dans sa jupe en partie déchirée, elle ne s'était pas accordée la moindre pause. Comme si, une fois de plus, elle avait eu quelque chose à évacuer, elle ne tolérait pas une seconde que ses pas de ralentissent. Elle ne pensait pas, ne pensait plus. Elle oubliait la soirée et les dernières semaines. Elle oubliait son mal et oubliait sa vie puisque, tout simplement, elle ne faisait que marcher. Elle ne toussait pas, n'avait pas mal, ne pensait pas, ne s'inquiétait, ne s'interrogeait pas. Elle ne se souvenait pas et elle ne vivait pas non plus. Qu'espérer de plus? Alors c'était la blague? La petite blague que les instances suppérieures lui avait faite? C'était d'un bien piètre goût selon elle. Ils allaient se succéder, ces gardiens? Un petit défilé, un catalogue dans lequel elle choisirait lequel d'entre eux serait-il le plus apte à rendre ses jours plus doux. C'était ridicule, tout simplement ridicule. Sur le moment, elle n'y avait pas songé, puisque le gardien, présent, avait su faire naître en elle quelque chaleur... Mais à présent qu'ils étaient loin l'un de l'autre elle voyait ainsi les choses. A vrai dire, Jefferson lui manquait, et elle aurait aimé qu'il ne la laisse pas.
C'était puéril et elle en était tout à fait consciente, mais c'était ainsi. Son gardien l'avait laissée là. Qu'était-il devenu, elle l'ignorait. Mais elle était seule. Pourtant, il lui avait dit qu'il ne la laisserait pas. C'était bien ses mots. Elle était... triste.

Et cet étrange Luludja, que devait-il faire à présent? De l'intérim lui aussi, peut-être. Sans doute. Peut-être que si Jeff s'était éclipsé, c'était justement parce qu'on l'avait informé que non. Non Annah ne pourrait guérir. Non Annah ne pourrait avoir de vie sociale sans faire souffrir, plutôt tôt que tard, son entourage... Et alors la tâche devenait trop ingrate. Et alors... et alors il avait demandé à s'occuper d'un autre mortel. Combien étaient-ils comme elle à recevoir la visite d'un gardien, un beau jour...? Elle se le demanda. Mais quelle importance cela avait-il?
Il lui manquait. Son absence la mettait tant en colère qu'elle la plongeait dans l'angoisse. Elle s'interdisait le désespoir, bien que cela soit totalement légitime au vu de la situation. Et lui il lui avait dit que non elle ne devait pas désespérer. Mais elle se retrouvait seule.

Seule?

Elle se frappa le front d'un air agacé. Non elle ne l'était pas. Non, il y avait ce type aux ailes de pigeons, il avait son adresse. Maintenant qu'il la tenait dans ses mains, qu'en ferait-il? Elle espérait de tout coeur qu'il ne l'abandonne pas à son tour. Elle n'était pas spécialement à l'aise avec Luludja, mais il était une petite touche de chaleur, de bien-être. Elle avait un peu envie de croire en lui, et se laissa aller à quelque espoir. Là, dans cette rue, adossée au mur après avoir manqué de se faire renverser.

- - -
Le conducteur s'est d'ailleurs arrêté et lui parle pour lui demander si ça va. Mais elle ne répond pas, trop perdue dans ses pensées.

- - -

Elle leva les yeux, et hocha la tête en signe de dénégation. "Je vais bien. Ne vous en faites pas" Faux bien sur, mais... à moins d'être un médecin exceptionnel, le type n'aurait rien pu faire. Il haussa les épaules et se tira au volant de sa voiture. Au revoir, doc. Elle secoua la tête d'un air amusé, puis fit quelques pas de plus. Elle ne vit pas que le "presque accident" avait attiré les rares personnes qui se trouvaient dehors...

Il était tard, si tard que la journée était terminée. Une soirée longue avait débuté dès la sortie du Lycée, pour ne s'achever qu'une demi heure avant le moment précis où Valogne croisa le chemin d'Annah. Ayant terminé à temps tout ce nettoyage inutile, inutile car il revenait chaque jour, chaque soir au Darklight, la petite Blonde avait prit plaisir à dire au revoir à chaque employé du Nightclub. C'était un rituel qu'elle appréciait tout particulièrement, car il signifiait qu'elle pouvait rentrer chez elle.

Travailler là bas n'était pas une sinécure, pas un enfer non plus, mais c'était loin d'être de tout repos. Elle en savait quelque chose, depuis quelques mois qu'elle y était serveuse. Le temps ne passait pas vite là bas, elle avait souvent l'impression d'avoir deux vies, ou de faire deux journées en une. Une au lycée, douce et agréable, en compagnie de Léo, et l'autre, là bas, avec tous ces gens qu'elle connaissait de vue sans jamais réellement s'approcher plus près qu'un pourboire.

Valogne avait quitté le Darklight une demi heure avant, et avait marché d'un pas lent et posé. Le contraire de la course d'Annah. Ne se souciant pas des rares voitures qui passaient dans la rue, elle avait traversé le square et s'apprêtait à rentrer chez elle, bientôt. Une demi heure de marche, à d'allé et aussi au retour, en pleine nuit. Ce qui rendait folle d'inquiétude sa mère, son père aussi peut être, mais tous deux s'endormaient tout de même si vite... Sans l'attendre.

Léo n'était pas venu la chercher, pas ce soir, ni hier ni même la veille. Il était distant et absent, lointain ces derniers temps. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Valogne songeait à tout ceci alors qu'elle traversait la rue, le passage piéton indiquant la possibilité de passer sans encombre. Mais ce n'était pas le cas de tout le monde, et elle fut tirée de ses pensées par le crissement des pneus sur le bitume, aigu et violent.

Sursautant, elle eut un hoquet en contemplant impuissante au drame. Alors qu'elle croyait déjà cette jeune fille échevelée perdue, le soulagement de la voir courir dans la ruelle en face se fit salvateur. Derrière elle, deux hommes qui rentraient d'une fête accoururent, mais entendant la réponse de la jeune fille, ils retournèrent à leur chemin.
Valogne s'approcha, prudemment, curieuse et intriguée sans oser trop élever la voix.

Le chauffeur s'était éloigné, reprenant sa conduite et ses phares s'évanouirent bientôt. A quelques mètres d'Annah, Valogne se tenait droite et l'air visiblement inquiet. D'un léger sourire s'éleva une voix fluette et peu sure d'elle :

" Vous êtes sure que ça va ? Votre robe est déchirée "

Souffla-t-elle naivement.

[- ça n'est pas fameux... je ferais en sorte que le prochain soit mieux :} -]

Elle avait tout juste pu faire un pas ou deux qu'elle fut arrêtée par une voix qui la surprit. La voix d'une jeune femme. Sans doute un peu plus jeune qu'elle de quelques mois voire d'un an ou deux. Quelle étrange rencontre, en ces lieux, en pleine nuit. Elle fit volte face pour l'observer, sa surprise transparaissant sur son visage, avant de sourire d'un air navrée et de se passer une main dans la nuque. "Oui oui je vous assure" ajouta-t-elle doucement. Puis elle se baissa et du pied mit en évidence le lambeau de jupe qui traînait dans son sillage. Elle haussa les épaules, se rendant alors compte que cela portait à confusion. Elle venait du port, sa jupe déchirée et passablement pressée. Tout portait à croire qu'elle avait été agressée, ce qui aurait justifié le fait qu'elle ait traversé aussi précipitemment. "Oh ça ce n'est rien. J'étais au port et j'ai simplement accroché ma jupe à de la tôle" Elle sourit gênée.

Maladroite? Bien entendu, ça n'avait rien d'une surprise. Elle laissa un soupir léger lui échapper. Alors qu'elle avait répondu à Valogne, les autres curieux avaient fini par partir. Pas plus mal. La jeune femme pu s'autoriser alors un minimum de détente et, enfin, s'adossa à un mur pour respirer. Cet accident la forçait à faire une pause. Elle en profita pour observer attentivement la jeune femme. Elle ne lui était pas inconnue. Non... Elle l'avait vue quelque part. Elle n'était pas modèle, mais c'était de nuit.

Oui voilà ! Elle travaillait au Darklight ! Depuis combien de temps n'y avait-elle plus mis les pieds? Elle y était serveuse également, mais serveuse intérimaire, si l'on voulait. Elle venait en cas de coup de bourre, n'y étant pas une employée régulière. Elle avait dû y croiser la demoiselle à plusieurs reprises. L'ambiance, dans ce bar, était si survoltée que certaines équipes ne se côtoyaient que le temps de se changer. D'autant plus que la jeune femme rentrait alors... Et que c'était la plupart des fois où elle s'y était rendue à peu près l'heure où elle avait pris son service. Annah n'avait pas peur, non. Pas peur des junkies, pas peur des inconnus ailés venus fourrager dans son manteau sur le port... Pas peur des voitures ni des bars la nuit. Elle était si fragile physiologiquement que rien ne l'effrayait tant que son propre corps, en fait.

Elle sourit, soupira, puis lui demanda simplement, prenant la liberté de la tutoyer : "Dis moi... Tu travailles au Darklight, non?" Elle avait un peu levé le visage pour faciliter sa respiration. Les crissements de pneus, tout ça lui avait un peu secoué le coeur et avait accéléré ses inspirations, au risque de la fragiliser davantage encore. Elle se devait de s'arrêter le temps de récupérer. Ne serait-ce que quelques instants. Aussi attendit-elle la réponse de Valogne avec un sourire en coin.

La jeune fille en face d'elle semblait avoir un comportement bien étrange. Toute détachée du monde qu'elle paraissait, il n'en était pas moins clair que, dans l'esprit de Valogne, elle venait de se faire agresser, ou pire... L'ayant vu courir comme une forcenée le plus vite possible, sans même se soucier des voitures qui auraient pu lui rouler sur le corps, cette femme s'était jeté sur la voie sans même regarder autour d'elle, comme si elle devait fuir le plus vite, et le plus loin possible.
Effectivement, pour la Blondinette, il s'agissait là d'une situation angoissante et pleine de risque. Elle imaginait déjà les affreux sévices que son interlocutrice nocturne pouvait avoir subit et tremblait dans le froid de la nuit.

Ce ne fut que lorsqu'elle redressa un peu son visage que Valogne put contempler réellement à quoi ressemblait cette rencontre fortuite. La ruelle était si sombre qu'il lui avait été impossible de savoir à qui elle s'adressait avant, si bien qu'elle put enfin la reconnaitre.
Enfin, c'était un bien grand mot...

A vrai dire, elle croisait tant de personnes différentes au Darklight qu'il lui semblait connaître la moitié de la ville sans pour autant pouvoir mettre un prénom sur un visage. Elle se demandait sans cesse où elle avait croiser la foule qui déambulait dans les rues piétonnes, et chaque regard lui semblait familier. C'était une situation à laquelle elle avait bien du mal à se faire, sachant qu'elle était, pour arranger le tout, dans la peine dès qu'il fallait se souvenir de quelque chose : tête en l'air.

Mais ce visage là lui sembla réellement connu, sans doute était-ce une fille du lycée, ou alors c'était en effet dans la Boite de Nuit qu'elle l'avait déjà croisée. Avec un sourire soulagé, elle apprit ce qui avait déchiré sa robe, même si au fond d'elle, quelque chose lui soufflait que ce n'était peut être pas vrai...
Pour qu'on la laisse tranquille, la jeune fille devait peut être mentir.

Mais, ne voulant pas trop se mêler de ce qui ne la regardait pas, surtout si elle tombait dans une sombre histoire glauque, Valogne eut un sourire amical qui se voulait rassurant. Lorsque son interlocutrice de fortune lui demanda si elle travaillait bien au Darklight, ce fut un réel étirement ravi qui illumina ses lèvres.

" Oui ! "

Dit-elle comme si c'était un aveu salvateur.

" Oui, je suis serveuse, le soir Je vous... t'ai déjà vu là bas, non ? "

Questionna-t-elle, dans un frisson gelé. La nuit était toujours fraiche, surtout dans les ruelles qui menaient au Port, et Valogne se recroquevilla un peu, s'approchant d'Annah, craintive des bruits et des ténèbres de la nuit.

[bon finalement le post a rien de fameux, mais je ne voulais pas te coincer, puis je sais pas si je pourrais faire mieux avec Annah en ce moment oO boah j'espère que ça ira quand même ^^]

La jeune femme avait gardé son visage haut histoire de faciliter sa respiration déjà plutôt cahotique. L'air était froid et quelque part n'arrangeait que peu son mal, mais celui qui venait du port avec cette fausse pureté qu'à lair ayant frayé avec l'eau salée, et il était un remède relativement efficace à ce genre de malaise. Pas tant que le bon vieil aérosol fixé au mur de sa salle de bain, mais tout de même plutôt profitable. Il lui procurait une bonne quantité d'iode, qui calmait bien tout cela. Elle profita donc des silences pour s'oxygéner et achever de se stabiliser.
Elle y parvint plutôt bien, et lorsque Valogne lui dit qu'effectivement elle était employée au Darklight, Annad pu même esquisser un réel sourire, en réponse à celui que la demoiselle lui adressait. Elle enfouis les mains dans les poches de son long manteau de cuir et décolla ses omoplates du mur. Elle fut alors saisie d'un vertige, mais eut à simplement appuyer une main absente au mur pour tenir, avant d'ôter ce support également et de tenir par son seul équilibre. Elle devait s'y forcer si elle nourrissait l'espoir de se rendre chez elle.
Alors que la demoiselle poussait plus avant les questions qu'elle posait à Annah, celle-ci, attentive, ne manqua pas de remarquer ses frissons. Elle frissonna à son tour par réflexe, comme l'on baille face à une personne faisant de même. Elle lui répondit d'une voix toujours saccadée, mais néanmoins basse.

"Il y a de fortes chances, oui. En fait, j'y travaille aussi à l'occasion, mais on a juste du se croiser de temps en temps dans la salle, lors de la relève... En fait, à cette heure-ci je prend mon service, en général"

Annah haussa les épaules, ses cheveux d'argents venus masquer une partie de son visage.

"Mais c'est tout à fait exceptionnel, je sers plus régulièrement dans d'autres établissements"

Sans compter les jobs de modèle, plus les différents petits emplois qu'elle cumulait en dépit de ses problèmes de santé. Elle n'était pas vraiment une hyperactive, mais elle avait ce besoin de pousser à bout ce corps qui la faisait par trop souffrir. C'était une petite vengeance d'elle à lui, juste histoire d'y laisser une trace de son angoisse, de son besoin de croire et de se prouver... En somme, juste histoire d'y laisser une trace de cette vie qui coulait encore dans ses veines. Pour combien de temps elle l'ignorait. Raison de plus pour la rendre plus frappante.
Mais l'attitude qu'eut ensuite Valogne déstabilisa la jeune femme. Elle semblait craintive. A cette heure-ci il ne faisait pas bon sortir avec une telle attitude car ainsi on apparaissait comme une proie facile pour qui voudrait nous chercher des noises. Annah le savait très bien,e t c'était pour ça qu'en fin de compte elle n'avait pas peur. Cela pouvait passer pour de la folie mais à son sens c'était tout naturel. Elle ne voulait pas craindre des êtres qui le sentaient et en jouerait. Plus sure d'elle, et agréable à tous elle se débrouillait toujours pour bien s'en sortir. Bizarrement, ses rapports avec les junkies étaient tout aussi bons que ceux qu'elle avait avec les clients des cafés, les promeneurs de jour... Elle était à part de toute société, et ainsi à sa place dans chacune d'elles. Elle était pourtant frêle, fragile, mais cela faisait longtemps qu'elle avait cessé de se préoccuper de l'état de son organisme pour conditionner ses rapports aux autres.
De plus, elle n'avait pas peur d'eux dans la mesure où ses poumons risquaient plus d'attenter à sa vie que toutes les petites frappes des environs...

Afin de rassurer la demoiselle cependant, et histoire de ne pas trop rester figées, elle laissa un soupir lui échapper et lui dit, son regard gris plein de son habituelle douceur ternie : "tu te rends au cartier résidentiel? Si tel est le cas nous pouvons faire un bout de chemin ensemble, en cas...?"
Et sur ce elle lui sourit. A vrai dire faire le trajet seule, elle s'en moquait, mais c'était plutôt pour aider la demoiselle qui de toute évidence n'était absolument pas à l'aise. Peut-être que parler la désennuierait suffisamment pour lui faire perdre son aura craintive? "En tout cas je m'y dirigeais, avant l'accrochage. Je ne travaille pas ce soir..."

Elle lui sourit d'un air accueillant et franc, avant de donner une poussée à ses propres poches, ce qui produisit un léger balancement qui la poussa de façon un peu déséquilibrée dans la direction du cartier résidentiel. La demoiselle rentrait chez elle, à coup sur...

La jeune lycéenne parut alors soulagée qu'un silence trop lourd ne s'installe plus encore entre les deux demoiselles. Non qu'elle détestait l'absence de bruit, mais après la foule de tumulte qui régnait dans le Darklight, il lui était pénible de revenir à la sereine réalité, douce mais terriblement stérile au niveau sonore.
Mais il y avait aussi ces ruelles, sombres, menant on ne sait où et abritant on ne sait qui, ces rues-là l'intimidaient, car elle n'avait jamais été très sure d'elle ni en bon terme avec le monde de la nuit, malgré son travail.

Après tout, elle se contentait de servir des clients plus ou moins ivres, pas de traiter directement avec les plus abjectes d'entre eux. Même s'il se passait parfois de louches affaires là bas, Valogne n'y avait jamais été mêlée, mais savait ce qui se disait de certaines personnes. Elle avait cette curiosité maladive qui la poussait à questionner ses collègues, à vouloir trop savoir, tout savoir. Mais heureusement, sa naïveté et sa crainte naturelle pour le danger l'avait laisser hors de toute tentative néfaste.

Elle restait très immature et n'était pas attirée par ce monde-là, au contraire, elle en avait encore peur...

Alors, lorsque Annah lui proposa avec un air aimable de l'accompagner, du moins, de faire une partie du trajet à deux, le visage de la petite blonde sembla s'illuminer dans la pénombre. Elle se trouvait rassurée d'un coup d'un seul, et afficha un sourire ravi. Elle ne chercha aucunement à cacher cet état là et lança d'une voix moins aigu par la peur :

" Oh oui, je veux bien. Je rentre justement chez moi, moi aussi, après mon service. "

Se mettant en marche sans attendre, n'étant pas désireuse de rester plus longtemps dans ces ruelles mal famées, Valogne entama une discussion amicale, histoire de ne pas laisser le silence glauque des culs de sac l'apeurer de nouveau.

" Je me disais bien que je t'avais déjà croisée quelque part. Mais il faut dire que je ne me souviens pas toujours des gens que je suis sensée reconnaitre. On voit tellement de têtes au Darklight ! "

Dit-elle, plissant les yeux sous le coup d'un sourire enfantin, l'air plus dégagé.

" Tu as de la chance de ne pas travailler ce soir, moi je suis morte de fatigue. Ils étaient déchainés ce soir. "

Fit-elle avant de se stopper et de lancer d'une voix plus forte.

" Ah ! Mais au fait, je m'appelle Valogne, je ne me souviens pas de ton prénom... "

Elle sembla un peu honteuse et fit une moue disgracieuse qui barra son visage d'enfant.

Voyant que la demoiselle acceptait de faire un bout de chemin avec elle, Annah sourit. Marcher avec quelqu'un lui permettrait de se calquer à un rythme sur, raisonnable. Elle cesserait ainsi de courir et de s'exposer à des accidents. Et puis, seule elle avait tendance à se laisser aller, mais en présence de quelqu'un elle avait besoin de faire bonne figure, et quelque chose lui disait qu'un masque serait un bon remontant le temps de rentrer chez elle. Patiemment, Annah la laissa parler. Elle l'écoutait parler de ce lieu qu'elle connaissait bien évidemment très bien. Agités? Oui ils l'étaient souvent. L'ambiance là bas était grisante et Annah même parvenait à feindre la bonne santé et la joie lorsqu'elle servait les clients. Elle aimait par-dessus tout ce lieu, son énergie... Il la détachait d'elle-même et de ses souffrances l'espace de quelques heures. Elle souriait avec légereté alors que la demoiselle lui disait trouver tout cela épuisant. Il fallait peut-être être réellement faible et souffrante pour y trouver un fac simili de santé...? Et puis, la demoiselle était un peu plus jeune qu'elle et sans doute trouvait-elle tout cela un peu effrayant, quelque part.

A sa dernière réplique Annah sourit d'un air conscilliant, elle pencha un peu la tête de côté puis regarda droit devant elle, les mains dans les poches de son manteau, marchant lentement.

"Annah" Elle poussa un léger soupir "C'est vrai on croise beaucoup de gens là bas. Et ce sans pour autant les 'rencontrer'. Moi j'aime bien ce lieu..."

Elle fronça les sourcils. Si elle ne s'était pas sentie mal dans la journée, elle se serait rendue là bas pour travailler, et c'est au changement d'équipe qu'elle aurait croisé la route de Valogne. Mais elle était trop mal en point. De plus en plus mal en point... Elle s'était toujours tuée à la tâche, dans le sens littéral du terme. Mais jamais elle n'avait envisagé la possibilité qu'un jour son état l'empêche de travailler même. Elle se souvenait bien des grandes fatigues de sa mère, de sa difficulté ne serait-ce qu'à articuler deux mots. Mais elle n'avait pas dans l'idée de finir ainsi. Elle pensait finir dans un éclat d'énergie, c'était ce qu'elle désirait. Elle ne mettrait pas fin à ses jours, ainsi, elle se laissait encore l'opportunité de guérir, était assidue aux rendez-vous médicaux et appliquait à la lettre les directives des médecins.

Elle fronça les sourcils "Non en effet je dois m'estimer heureuse... et puis ce sir je ne tiens pas la grande forme" Elle adressa à la jeune fille un sourire d'excuse. "Et toi, tu fais ça tous les soirs? Pourtant tu dois aller en cours, non?"
Elle n'avait pas ce problème. Elle avait 19 ans, ce qui n'était pas bien vieux, mais avait quitté l'école sitôt l'age requis atteint. Elle s'était enlisée dans le système scolaire jusqu'au cou, n'avait plus pu briller une fois sa maladie trop prenante... Et puis là elle ne pouvait rien cacher, tant aux professeurs qu'aux infirmières et, pire encore, à ses collègues. Elle se souvenait de ces années là. Elle ne les aimait pas beaucoup. Les garçons, elle leur plaisait, ça n'était pas un problème, mais elle ne voulait pas s'attacher à qui que ce soit ce qui était problèmatique. Pour les filles, une gamine plutôt frêle, discète et posée, se tenant à l'écart, était suspecte et vite marginalisée. Pour les professeur, elle était tantôt une incommensurable fénéante, tantôt une gamine en coton qu'il fallait protéger. Elle n'aimait aucun de ces statuts, et n'avait pu s'épanouir que sortie de là et devenue bête de travail. Pour cela qu'elle cumulait tant d'emplois. Serveuse le jour chez une fille qui préparait d'excélentes tartes, serveuse la nuit au Darklight ou dans quelque boîte de nuit. Parfois modèle pour un ou deux photographes étranges...
Elle plissa les yeux et laissa son regard vagabonder. Mais elle se sentait si fatiguée ce soir... Et sa poitrine, ses poumons... Ils la brulaient atrocement...

Comme sans s'en rendre compte, Valogne accéléra le pas pour venir presque devant la jeune femme, sa compagne de route pour la soirée, et posa sa main sur son épaule, l'air inquiet et les yeux brillant malgré la sombre ambiance qui régnait sur les rues qu'elles traversaient.

Un long moment, la jeune Lycéenne observa sa collègue de travail, plissant ses paupières comme l'aurait fait un médecin, un geste qu'elle avait sans doute vu dans cette série télévisée à grand succès, dont elle était friande : une sorte de sitcom débile qui décrivait la vie amoureuse et troublée d'une étudiante en médecine, qui bossait dur pour arriver au bout de ses rêves.

La jeune demoiselle était fan de ce genre de débilités, malgré elle, elle n'en ratait aucun, et les épisodes étaient pour elle une merveille.

Mais là n'était pas le propos ; Valogne resta alors silencieuse, l'examinant presque avant de prendre la parole et chuchota, pour ne pas alerter les honnêtes gens qui dormaient dans les immeubles non loin.

" Tu es sure que tu vas bien, ça se voit que tu as l'air fatiguée. "

Elle n'aimait pas voir les gens souffrir, comme souvent les enfants pouvaient réagir. Elle, qui était encore largement dans l'enfance, ne pouvait supporter que quelqu'un de son entourage, même si elle connaissait cette jeune fille depuis très peu de temps, Valogne se montrait compatissante et inquiète.

" Tu veux qu'on s'arrête un peu ? "

Elle posa la question, alors que déjà, les deux demoiselles étaient immobiles dans une rue peu éclairées.
Déjà, quelques rares passants les observaient. Ils étaient certes rapidement partis, mais ils ne manquaient pas de les regarder avec un air suspicieux. Que pouvaient faire deux jeunes filles si proches dans les ruelles en pleine nuit ?
Dégénérées, qu'elles purent entendre, même, craché par un quinquagénaire qui promenait son Berger Allemand. Il les avait largement gratifié d'un regard pervers, mais voyant qu'il pouvait s'agir de petites prostituées faisant leur office dans un coin sombre, ce regard vicieux c'était transformé en dégoût véritable.

Valogne sursauta et leva immédiatement ses yeux clairs vers cet individu, prise de panique.

Annah, maintenant que le silence s'était installé entre la jeune fille et elle, avait plutôt tendance à se concentrer afin d'affecter tant bien que mal, plutôt mal, même, une démarche normale et fluide. Elle n'y parvint pas tout à fait et récolta du coup une remarque compatissante de la petite demoiselle. Intérieusement, elle ragea un peu de se voir ainsi trahie dans son mal. Elle n'aimait jamais cela, et si son caractère n'était pas propre à repousser quiconque voire à s'énerver contre une personne inquiète, elle se trouvait très largement incommodée. La petite en remis une couche en lui proposant une pause. Annah posa alors sur elle un regard vague, peut encline à s'arrêter alors qu'elle avait tant besoin du calme et de la solitude de son appartement. L'occasion fut belle pour elle lorsque le vioque les traita de dégénérées.
La jeune femme leva alors ses grands yeux gris dans la direction de l'homme, et haussa un sourcil éloquent. Voila un nouveau rôle à jouer. Elle était éminément plus à l'aise que Valogne dans ces rues, de nuits, et c'était donc à elle d'endosser la responsabilité de détromper l'homme.

"Qui, de la jeune femme rentrant chez elle ou du vieux qui l'aborde, est le plus dégénéré des deux?" Sur ce, elle adressa à l'homme le regard et le sourire les plus aimables du monde, le salua d'un hochement de tête et, saisissant l'épaule de Valogne sans la moindre force, étant donné son état, elle entraîna celle-ci un peu plus rapidement, histoire de fausser compagnie à l'homme. Lorsqu'elles furent hors de portée des oreilles de celui-ci, Annah sourit à la petite demoiselle et haussa les épaules, lâchant la sienne. Reprenant un rythme de croisière plus modéré, elle lui dit d'une voix amusée "Tu vois bien qu'il n'est ni l'heure ni le lieu de s'accorder des pauses. La nuit dans la rue, mieux vaut passer son chemin que traîner. Le danger glisse sur les gens occupés, ce sont ceux qui s'offrent à lui qu'il ira dévorer" Elle alla jusqu'à s'accorder un léger éclat de rire quand lequel elle glissa un : "A part bien sur si tu te jettes devant les roues d'une voiture, dans ta précipitation" Mais si la tirade faisait référence à son imprudence d'il y avait tout juste quelques minutes, le rire, lui, incarnait l'imprudence même. Et comme elle aurait du s'en douter, il la plongea dans une violente quinte de toux. Elle posa alors sa main sur sa bouche, bon réflexe qui lui évita de cracher de son sang, tout du moins qui masqua les stries rosées à la vue de Valogne, et de l'autre, défaillante, s'appuya au mur. Elle fut contrainte de s'arrêter une seconde avant, d'une impulsion, de parvenir à se remettre en marche.

Besoin d'une pause? Grands dieux non, non elle ne repartirait plus de sitôt si elle s'en permettait une. Elle se connaissait, et la toux amenait simplement à une toux plus intarissable. Le mieux était de retrouver son fief et à l'intérieur Lord Aérosol. Lui seul serait à même de soulager son mal. Elle regardait droit devant elle... Elles étaient bientôt arrivées dans le cartier résidentiel.

[Je ne ferais ici qu'un post avec Annah avant de quitter le sujet :} Ce fut un plaisir ^^]