Lumière.

=> Hopital Balthus

La rue qui défile, paysage familier, et voilà qu'apparaissent les murs chéris et protecteurs, abritant un savoir ancestral, que l'homme ne semble avoir acquis, la bibliothèque se dresse aussi, aux cieux, comme témoin d'un fruit, autre graine d'un autre lieu, connaissance avertie, confiant à l'être, son propre chemin, ses propres choix, celui d'être heureux, celui de ne l'être pas.

A eux, alors, d'entamer, ce qui sera, leur destin.
Des portes qui claquent, le taxi qui s'éloigne au loin, et sur le trottoir, défilent trois ombres, trois mystères, semblant flottées, irréelles, alors qu'une quatrième soutient, empreinte effacée, la vie d'une d'entre elle.
Sans bruit ni mot, le Bibliothécaire pénètre en son antre, franchissant la forêt de livres, l'étroit et sombre couloir, pour descendre plus profondément dans les entrailles de l'édifice, arrivant dans cette pièce familière, de réconfort et apaisement.
Mr Kadamon désignera le moelleux d'un canapé présent dans la pièce, au gardien fébrile, et caressant la main de Marie, il ajouta d'une voix douce:

"Marie, pourrais tu m'apporter du thé, et 4 tasses?"

Point de litanie, ni d'élan poètique, un simple souhait.

Dès leur sortir du batiment, les évenements s'étaient révélés pour le moins étrange, même aux yeux de Lawrence, qui commençait pourtant à s'habituer aux bizarreries du monde exterieur. Que voulez vous, mourrir puis se reveiller sous la forme d'un ange un beau matin, avec un gosse à proteger, histoire de compenser la mysanthropie dont il avait fait preuve toute sa courte vie, ça change totalement votre vision du monde. Un jour tranquille irradiait alentours, levé depuis peu longtemps au final. La journée débutait à peine. Si tant est que la notion de journée ait encore un sens pour lui même, songeait Lawrence avec amertume. Il suivait Zahikel de prêt, attentif aux personnes alentours. Mais, étrangement, l'image d'un corp flottant dans les airs ne semblait étonner personne. Les hommes ne voient que ce qu'ils veulent voir, et une image aussi saugrenue n'avait pas le temps de s'imprimer dans leur retine. D'un commun accord, l'image était automatiquement effacée du registre de données. Peut être même l'étrange aura du gardien superieur y était pour quelque chose, allez savoir. A vrai dire, tout cela, Lawrence s'en fichait.

Il laissa Zahikel s'occuper de heler un taxi, et monta après Marie sur la banquette arrière, le corp un peu trop frêle de Léo dans ses bras. Il replia ses ailes tant bien que mal, avant de se se concentrer sur le visage du jeune homme endormi. Avec le recul, il était pour le moins géné de ce qu'il s'était passé. De quel droit avaient ils interférés dans les choix de Léo? Il ne savait même pas exactement ce qu'il se passait dans cet étrange batiment auquel le jeune garçon avait accès par carte personelle. Quoi qu'il s'y trame exactement, s'il avait décidé de lui même d'y aller...Mais les circonstances étaient particulières, et il n'était pas le seul en lice. Son regard clair dériva vers le visage un peu anxieu de marie, avec de passer au profil fier de Zahikel. Leurs mains étaient jointes, et le gardien considera cela avec une expression mitigée, avant de resserer sa prise sur Léo en regardant au dehors. Le paysage défilait, pas plus impresionnant qu'un autre, malgré ce que l'on aurait put attendre du gardien superieur.Le regard fixe, le gardien attendait.

Ils finirent par s'arrêter devant un batiment auquel il ne preta qu'une attention mitigée, et suivit Zahikel parmis les livres et les dédales, avant de parvenir à cet endroit souterrain, Un canapé lui fit indiqué, et malgré l'agacement que faisait poindre en lui ce genre de comportement à son égard, Lawrence opina d'un mouvement de tête, s'accroupissant pour poser doucement le corp de son protégé. Sa main rude s'autorisa même une vague caresse sur le frond un peu moite. Le gardien se redressa, présentant sa structure de corbeau famélique, que ses grandes ailes blanches ne faisaient que rendre plus percutant, et se retourna vers le gardien superieur.

"Qui êtes vous ?"

Peut être un peu tard pour poser ce genre de question, si l'être se révelait un péophile de 1ere zone. Mais cette idée était à écarter, au vu du ressentit que l'on ne pouvait s'empêcher d'avoir en sa présence. La question était bien de savoir son rang, et peut être plus encore. Car il était la 2eme personne qui pouvait le voir dans cette nouvelle vie d'être fantomatique.

A moitié conscient, mais confiant dans les bras de Lawrence pour être protégé pour le moment, Léo s'était laissé transporté au hasard des couloirs, puis du taxi. Heureusement pour lui, aucune de ses connaissances ne croisa le trio étrange, personne pour lui demander ensuite ce qu'il faisait, somme toute bien shooté, avec autant d'inconnu.
Certes, il n'en était plus au stade où il s'inquiétait terriblement de ce qu'on pensait de lui, mais il était encore mineur, et cela aurait pu suffir à lui poser beaucoup de soucis. C'était peut être aussi bien qu'il soit amoindri, sinon il n'aurait pas accepté facilement d'être chahuté... Encore que. Devant l'autorité, courber l'échine par devant pour penser ce que bon lui semblait été la technique préféréer de Léo.

Il avait fait le voyage les yeux entrouvers, fixés sur les ailes blanches de Lawrence non loin de son visage. De longues plumes blanches un peu grisées - le pigeon parisien dans sa forme évoluée peut être ? souple et douce comme le doudou d'un tout petit, une odeur qui flottait dans l'air... Léo s'était toujours amusé de certaines descriptions trop lyriques de ses bouquins comme " il avait l'odeur d'un souvenir d'enfance à demi effacé" ou " un parfum de terre après la pluie" mais il devait avouer que pour décrire quelque chose de si évanescent, le ton lyrique était probablement le plus adapté.

Quand le bruit du taxi cessa, il fut une nouvelle fois soulevé dans les bras de Lawrence, entrant dans un autre endroit qu'il ne reconnaissait pas, et qui n'avait rien à voira vec le labo. Il ferma les yeux, souhaitant se réveiller de ce rêve qui devenait de plus en plus étrange. Quand est-ce que la sonnerie du matin retentirait elle ?

La voix de Zahikel résonna, puis celle de Lawrence, brisant un silence de plomb qui trainait depuis déjà un long moment. Léo soupira. A demi endormi, effacé aux yeux de tous, son cerveau relançait doucement la machine, et il était bien décidé à écouter et comprendre un peu de cette situation.

Pas le temps, va, pas le temps de se poser ni de s'aposer, requête toujours fébrile, à rassasier, pas de temps à perdre, il n'est pas question d'argent, mais de palpitations, de souffle et d'épuisement.
Il s'agit de redonner du coeur à ceux qui perdirent l'espoir d'un ressenti, de redonner du goût au morne d'une vie.
Pas le temps, va, de se poser rêveur sur un rocher quelconque, d'admirer, sans pensées, le défilement, fleuve effréné, des vies courroucées.
Pas le temps, de ne pas penser.

Le bibliothécaire fronça les sourcils, se dirigeant doucement vers l'oiseau nerveux, laissant poindre un sourire énigmatique sur ses lèvres, attendant qu'enfin, Marie s'échappe.
Et comme s'adressant à Léo:

"Je ne suis qu'un simple bibliothécaire."

Demi-mot, demi-regard, demi-vérité, comme si l'existence elle-même se devait d'être, toujours, partagée.
Les questions fuseraient pourtant, mais l'être restait imperturbable, comme reprenant de sa superbe tout à l'heure légèrement ébranlée.

"J'aide à faire des choix, guidant à travers les mots, que s'accomplisse toute vie, comme le ferait n'importe quel garant de livre..."

Le scepticime est prévisible, mais ce gardien là a déjà perdu contenance une fois devant eux, il ne saurait se permettre d'ajouter de quoi être, ébranlé, ou plutôt découvert.
Qui est Zahikel?
Un simple bibliothécaire, il l'a dit lui-même, souvenez-vous.

"J'ai été, comme ces livres aux lignes tracées, vierge de toute destinée, où quelques ratures m'amenèrent à vous.
Je connaîs votre désir de clarté, mais en ce monde, vous connaissez beaucoup de ligne droite?
Celles qui mènent à la mort, exceptées."

Il se saisit d'une chaise, et s'assoit non loin du pantonyme cireux:

"Croyez vous en cette 'seconde chance' monsieur Gaiman?
Pensez vous que l'homme n'est destiné qu'à une sourde indifférence égoïste?"
Une pause.
"Je l'ai cru, il y'a fort longtemps.
L'égoïsme enferma l'homme dans son culte trop personnel, à l'amnésie d'autrui. Soucis de protection, refus d'invasion? Tant de mots que brigueraient les orâcles de nos jours, en leurs seins psychiatriques...
Ceux qui ne surent vraiment, se laisser à la blessure, benneficient d'un renouveau, pour une poignée de plumes..."

Son regard se fit lointain, presque rêveur:

"Et si, ce n'était non pas le moyen d'éviter que l'erreur se reproduise sur d'autres destins, mais l'ultime chance aux âmes mortes de s'éveiller?"